Je suis née, j’étais un être parfait. Mais à quoi bon la perfection ; quoi de plus stérile, en fait ? Les bouddhistes, qui la recherchent éperdument, que désirent-ils sinon ne plus rien désirer ?
Or nous les pauvres diables qui sommes l’Occident, ne souffrons-nous pas mille morts, tous sans exception, d’en arriver toujours trop tôt à ce point-là de sagesse, et sans même y avoir pris garde ? Nous le nommions ataraxie lorsque nous étions romantiques. Nous parlons de mort de Dieu à présent que nous sommes englués dedans.
Les bouddhistes, dont la caractéristique est le désir de ne rien désirer, ne sont RIEN. Ce sont des pierres. Quand je suis née j’en étais une, j’étais entière, matière indivisible, aimée, aimante, (aimantée?), prescience absente, totale et englobante. J’étais minérale, j’en ai souffert. Et j’ai dû grandir à rebours : à la recherche de comment m’ensemencer.
« Christe Marine, pauvre plante ! On te surnomme Perce-Pierre et tu germes, dit-on, aux entrailles des cailloux. Donne-moi ta magie ! Donne-moi ta leçon ! Je veux au moins devenir végétal ! »
Je voulais renaître à la vie alors j’ai invoqué la nature : la mer, les petites fleurs, les petites bêtes, les étoiles… Mais aucune, jalouses comme elles étaient du secret de leur vie, n’a répondu à mon appel. Je pensais que Dieu ne pouvait pas vouloir que je me résigne : pour aller le trouver, j’ai quitté la terre sans état d’âme aucun. Mais personne n’échappe jamais à son destin : en voulant fuir j’ai suivi ma pente.
I prayed hard for The Lord to give me the flower power, yet I became a rolling stone.
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Même Dylan est revenu du Flower Power… et quand on connaît son parcours on s’aperçoit bien vite qu’il n’a jamais vraiment trempé dedans. De son côté Jim Morrison détestait la nonchalance des hippies… quant à Jimi Hendrix, sur la fin, il en avait plus que marre des parasites qui lui tournaient autour juste pour se défoncer et boire et bouffer à l’oeil. Janis Joplin, je ne connais pas son évolution à ce sujet avant qu’elle ne meurt.
Y’avais qu’un seul truc de bien durant le Flower Power… on pouvait baiser facilement.
Ah ça… y’a pas de doute. Les jolies fleurs embaumées et vous, ça fait deux.
M’étonne pas que la seule chose que vous ayez retenu des hippies, c’est qu’elles étaient plus faciles à baiser.
Franchement, je n’ai pas connu le flower power et tout ce qu’on raconte…m’est d’avis, pourtant, qu’il n’a jamais été aussi facile de « baiser » qu’aujourd’hui…internet, rencontres en club, en boites… En tout cas Irena, vous apportez toujours un peu de légèreté et avec ce petit côté païen…
Moi, la catholique marane, la bigote-en-cachette, j’aurais un petit côté païen ? 🙂
C’est trop me faire honneur, Cherea.
Disons que je suis juste « un coeur simple » à la Flaubert.[http://jb.guinot.pagesperso-orange.fr/pages/oeuvres8.html#coeur]
L’un de ces cœurs sans malice que la légèreté bleue du ciel parisien de ce début d’automne et la beauté rouge des dernières roses municipales peut suffire à combler. ^^
Il y avait quand même, sapiential Neb’, autre chose que les épinals habituelles dans le Flower power. Et d’abord ça débordait la seule imagerie « hippie krisha », c’était, plus largement, ce qu’on a appelé « The movement ». Et ça allait loin dans la façon de se comporter des gens. Dans ses Mémoires (Le voleur dans la maison vide) Revel raconte qu’il était à N.Y à l’époque, et s’est retrouvé dans une réception ou un bar je ne sais plus trop. Habitué à la ville telle que d’hab, il a commencé à foncer comme un bulldozer vers les boissons et s’est d’un seul coup rendu compte que tout le monde lui cédait le passage en souriant, avec une grande gentillesse. Du coup il s’est senti dans la peau d’un rustre.
Et puis…comment dire ça rapidos…derrière cette naïveté indéniable dont on peut se moquer il y avait aussi une grande innocence; les enfants (pas encore totalement perdus,) de l’occident se cherchaient une sagesse à tâtons. Une ethique, et oui…Crumb a très bien conté dans ça dans une de ces Bd qui a précisément ce sujet là; c’est d’ailleurs assez pathétique, il représente toute la bande chevauchant la vague en chantant « we are sailing on a yellow submarine » et l’instant d’après, vlouf-boum, tout le monde est à la ramasse sur la plage. Mais on ne pourra pas retirer une chose d’importance au Flower power : il a irrigué l’Amérique d’un flot d’œuvres,au ciné ce fut Easy.R et toute une flopée de films qui découlent du movement (Jeremia Jonhson par ex, comme Redford l’expliquait dans les RV de l’Actor studio), un max de BD -Art Spiegelman vient de là, et toute l’équipe Harvey Kurtzam a explosé à ce moment (bon, ils avaient commencé avec les EC comics, c’est vrai). N’empêche que des films comme Macadam cow boy, panique à Needle parc, Lenny; viennent du « movement ». Les USA savent admirablement accomplir une alchimie qui transforme les grands courants qui les traversent en contes. Enfin, ça a mis au monde le journalisme gonzo, la speculative fiction d’Ellison et ses « Dangereuses visions »,K.Dick, Corben, Allen Ginsberg(quel poète!)et même les délires Castaneda -que je n’aime pas mais bon-Spinrad et son Jack Barron, et tous une tas de films que j’oublies et je laisse la musique, tout ça a laissé une marque profonde dans la (brève oh combien) histoire US. Dans cette Bd de Crumb que j’évoquais il montre bien comment tout ça a pris fin avec la venue de la violence, des drogues dures pris sans limites. Beaucoup disent que Manson marque la fin de cette période. Elle n’a quand même pas amené que du mal, qql que soient les exploiteurs et les profiteurs, tous les minables qui tournent autour du pot de miel. Et puis…J’avoue une larme devant tant de rêves massacrés. Pauvres enfants de l’amour qui croyaient au pouvoir des fleurs…
(je sais, tu va me dire que je suis bon pour la cithare, l’encens et la photo du Mahatma… mais entre nous, tu en as un coup aussi hein!Serais-tu le même sans cette période…) Ah!Franchement, le nihilisme moderne provient de cette échec -car s’en fut un. Hélas(?).
Ah Restif ! Pardonne-moi… je suis passé complètement à côté de ton intervention. Je suis impardonnable.
Bien entendu, tout ça a compté pour moi, mais dans une certaine mesure. Si tu veux, j’ai eu beaucoup de chance. Pour mes 8 ans on m’a offert une compilation des Who, c’était en 1973. L’année d’après je passais à Black Sabbath et Montrose. A 11 piges, c’était Deep Purple et à 12 piges, en 1977, alors qu’explosait le Punk, je découvrais en même temps que les Ramones et le Clash, Led Zeppelin et Rory Gallagher. Gros mélange ! Avant mes 15 piges, j »écoutais Ian Dury et Stiff Little Fingers, UK Subs et les Stranglers, Motorhead et Ted Nugent. Gros éclectisme. Et dés que j’ai commencé à dépasser les 3 accords à la guitare je me suis intéressé à Genesis (1ère période), Yes et puis aussi paradoxal que cela puisse paraître, je me suis tapé, à fond la caisse et au casque pour en entendre toutes les nuances, tous les vieux bluesmen noirs qui me tombaient sous la main : Son House, Big Bill Bronzy, Robert Johnson, etc…
Alors oui, bien entendu, je suis un amoureux de la découverte, de l’échange, de la communication. Je ne remets pas un seul instant en question tout ce qui a pu découler de positif de la contre-culture, bien au contraire… tout ce qui vient perturber les familles, les conventions, l’Etat, etc… je trouve ça au poil ! Seulement, je ne sais pas, très tôt je n’ai pas accroché aux bisounours et à leur oeillères de doux bétail. Plus les grandes gueules révoltées autour de moi la ramenaient sur le monde qui n’allait pas comme il devrait aller, plus je les trouvais plus fascistes que les fascistes qu’ils souhaitaient dénoncer. Et puis leur nonchalance… leur fausse désinvolture… cet état d’esprit « cool » et déjà « festif » dés les eighties… putain, les nanas avec leurs robes à fleurs, leurs colliers de coquillages et leur odeur de patchouli… ça m’a détourné de cette crème de pacotille.
Mais c’est curieux… tous les grands, dont ceux que j’ai cités, n’étaient pas tant dans cette démarche, même s’ils en ont épousé certaines formes. Quand on voit ce qu’était vraiment Kerouac qui a influencé tout ça, ce qu’il était au fond de lui même, sur la fin, son côté « racines catholiques et françaises », etc… Je pense que tous ont perçu les limites de la posture démocrassouillarde-gôchiste-hippie… ce qu’ils souhaitaient avant tout c’était créer et composer, ou écrire, dessiner, selon les cas… mais la masse bouffonne et larguée… avec le cerveau imbibé de came (souvent mauvaise)… comment dire ? Je préfère ne pas préciser ce que j’en pense.
Autour de moi… des gens de ma génération… il n’y a presque que des déchets… des familles dissolues… des esprits brisés… moi avec mon couple qui dure depuis bientôt 26 piges je passe pour un alien.
Et puis les morts… putain… nombreux… overdose, sida. Alors le coup de tout le monde il est beau il est gentil… j’ai jamais accroché.
Tiens… je vais me réécouter « Machine Gun » de Jimi Hendrix. 😉
Oh cher Nébo, c’est très pardonnable d’être « passé à côté », je t’en prie. Ça n’avait vraiment rien de grave et quand bien même tu n’aurai jamais vu, ce n’est pas ça qui aurait entaché mon amicale estime. D’autant que je suis d’accord avec toi sur toute la face noire (destructions de vies humaines, destins brisés, etc). Moi aussi il y a quelque chose qui me terrorise dans les foules de Woodstock. Non,pour rendre l’atmosphère de ce que j’essaye d’exprimer il faudrait cette BD de Crumb (lui aussi d’ailleurs explique qu’il n’a jamais été un « vrai hippie », dixit. Il n’acceptait jamais de drogues d’inconnus, ne prenait pas de poudres, s’inquiétait de gagner sa croute etc). Je n’ai même pas songé à nommer Kerouac ou même ce vieux junk de Burrough -l’homme qui s’est pris pour Guillaume Tel et a fait un jolie trou de magnum dans la tête de sa femme), tout simplement parce que la beat generation date d’avant finalement, même si ils furent récupérés comme icônes. Et puis le Cassidy de Kerouac n’a rien d’un gentil hippie! En vérité, on mélange des périodes différentes, ce que rend bien Crumb. Au début, le movement (ne pas oublier ce côté poli, aimable dont parle Revel!) était le fait de jeunes de la classes moyenne-supérieure. Quand ça s’est démocratisé, ça a commencé à sentir fort de sous les aisselles. Il n’empêche qu’à côté de cette quête naïve mais forte (les Inde ect) notre 68 est petit , mesquin, gauchard. Je me demande si cette lame de fond qui a poussé la jeunesse dorée américaine (la plupart étaient étudiants, et on sait ce que coutent les études US) vers des spiritualités brindezingues, une recherche d’ailleurs, n’était pas, à l’aveugle, une réaction contre un matérialisme montant, le modèle pub qui a fini par tout bouffer. Lequel modèle fut créé par d’anciens hippies… (j’ai très bien connu le fondateur de Terre d’aventure, c’est le modèle type). Finalement ils auront tout eu, les Bizot et autres, ils auront profité du bon temps d’avant la crise, se seront enrichis à l’époque ou ça gazait, et en France se seront payé un ersatz de révolution. Derrière ça, bien des débris. Reste que la première époque fut douce à vivre. Que la décadence « mansonienne » du movement ait été inscrite dès le départ, ça, …that’s life!
(Je suis bien, bien heureux que tu sois une exception dans le domaine conjugale.Elle le mérite!)
« I pried hard The Lord » => I prayed hard to the Lord » 😉
Exception faite de ce détail, c’est un joli billet…
Merci beaucoup.
Je corrige de suite. :$
(shame on me)
« J’étais minérale, j’en ai souffert. Et j’ai dû grandir à rebours : à la recherche de comment m’ensemencer. »
J’aime beaucoup.
Sinon, j’ai réécouté Like A Rolling Stone récemment, ça faisait longtemps. Candidat crédible pour le titre de meilleur chanson pop jamais composée.
Vous êtes un ange, Nico ! ^^
***
« Candidat crédible pour le titre de meilleur chanson pop jamais composée. »
Tout à fait
Quel conformisme ! C’est peut-être le fait d’avoir côtoyé trop de pseudo-intellos fans de Dylan, mais j’ai l’impression que le bonhomme jouit d’une réputation largement usurpée… Dylan n’a, dans la pop, à peu près rien inventé. La musique pop en soi n’a que très peu progressé depuis ses origines, et reste aujourd’hui, pour sa majeure partie, entièrement soumise aux codes des formes dont elle s’inspire (principalement la poésie, la musique classique pour les groupes plus « progressifs », etc.). Couplet, refrain, couplet, pont, ad nauseam… Quelques groupes récents me semblent travailler dans une voie plus intéressante, creusant un sillon qui tente d’approcher ce que serait l’essence de la pop, par exemple Animal Collective, ou of Montreal, pour n’en citer que deux.
Mais est-ce que le but et la (grande) difficulté de la pop ce n’est pas justement de faire du neuf avec ces codes limités? Dylan est inégal, c’est un euphémisme. Redécouvert avec l’album Modern Times, écouté en boucle. Vu deux fois en concert depuis, la première c’était irréel de beauté et de grâce (tout Modern Times et les classiques Like a Rolling Stone et All Along The Watchtower en rappel), la deuxième ça n’a jamais voulu décoller, allez comprendre. Un intermittent du génie ce Dylan.
« Dylan n’a, dans la pop, à peu près rien inventé. «
Ouch ! No comment. Mais tentez de dire ça à Tom Verlaine, Patti Smith ou Bruce Springsteen… rires garantis.
« La musique pop en soi n’a que très peu progressé depuis ses origines »
C’est exact… depuis les Beatles ça n’a pas bougé des masses… à part en matière sonore.
« Couplet, refrain, couplet, pont, ad nauseam… «
La musique Pop, comme son nom l’indique, se doit d’être populaire… d’où les structures Couplet, refrain, couplet, pont, etc… le ad nauseam est évité si le talent est au rendez-vous.
Je n’ai pas la chance de converser régulièrement avec les émules de Bob Dylan, mais il est vrai que je n’ai pas besoin de connaître leur avis pour savoir qu’il sera conforme à celui de ses autres fans. Quoi d’étonnant en effet ?
Je ne vois pas non plus en quoi la popularité se doit d’être liée irrémédiablement à une forme particulière de composition musicale…
Et tout ça n’est pas à dire que les chansons populaires de facture classiques sont toutes à jeter, je ne pensais pas avoir à le préciser.
C’est grotesque, Grotesque Animal. Dylan est un des plus prodigieux inventeurs de la musique populaire du XXe siècle.
Il amené la musique Rock à l’intelligence du texte. Il a inventé une nouvelle manière de chanter, ouvrant la voie à de nouvelles voix. Sans Dylan, pas de Lou Reed, pas de Bashung, Hendrix n’aurait jamais osé chanter, pas de chanteur « atypique »… Je vous laisse compléter la liste.
Il a fait se fusionner des traditions opposées (Rock & Folk). Il a eu, comme d’autres, des innovations formelles, en leur temps avant-gardistes : un album à face rock et l’autre accoustique, une vision conceptuelle des albums, quand ils n’étaient encore considérés que comme des assemblages de single, il a fait le premier double-album du rock, une pièce sur Blonde on Blonde dure une face entière. Il a utilisé des thèmes bibliques dans ses chansons, et ouvert un nombre incalculables de possibilités. Comparez les Beatles de She Loves You et ceux de Strawberry Fiels For Ever. Entre les deux, Dylan est passé.
Et, à mon sens, son plus grand apport est d’avoir imposé la figure de l’artiste libre : Dylan a toujours fait ce qu’il a voulu, même à l’époque où les Beatles et les Stones était conseillés par leurs managers pour se fringuer.
Il a osé faire des albums de country, en plein flower-power, et que le moindre de ses mots était attenu comme celui d’un messie : je ne connais pas d’acte plus héroïque dans toute l’histoire du rock.
Il est celui qui a le plus contribué, avec les Beatles, à faire grandir ce qui n’était qu’une musique de danse sur trois accords.
C’est peut-être conformiste de dire ça. Dire que Bach et Mozart sont les plus grands musiciens est très conformiste également, mais c’est surtout la vérité.
Dylan pourrait en effet être le plus grand artiste de la musique populaire du XXe, au sens « historique », mais alors ce serait restreindre la musique populaire à la phase enfantine de son évolution.
Que Bach et Mozart soient les plus grands musiciens est une affirmation qu’il est plus facile de soutenir, puisqu’il existe des critères d’évaluation mieux acceptés pour la musique savante. La pop en est encore à explorer les limites de ses possibilités.
(censé être le premier paragraphe du commentaire précédent, fausse manip)
Mais l’intelligence du texte, c’est bien le problème. Moi quand on me parle de Dylan, et c’est sans doute comme je le disais supra que ceux qui le présentent en parlent souvent très mal, je vois le poète-chanteur par excellence, une sorte de Brassens américain, un metteur de poèmes en musique, autrement dit quelqu’un qui combine des traditions éprouvées, mais qui formellement innove peu. Je ne prône pas l’innovation à tout crin, simplement j’essaie de concevoir la pop comme un idiome en soi, qui évolue pour trouver sa spécificité, et qui pour ça doit s’écarter de ces traditions.
Grave erreur, la comparaison avec Brassens.
A Grotesque Animal,
« Dylan pourrait en effet être le plus grand artiste de la musique populaire du XXe, au sens « historique », mais alors ce serait restreindre la musique populaire à la phase enfantine de son évolution. »
C’est un des plus grands, oui. La « phase enfantine », c’est plutôt celle d’après, celle des enfants de Dylan : Les Beatles d’après Help !, Lou Reed, Velvet, Bowie (song for Bob Dylan, 1971), Roxy music (un fan), Springsteen, Neil Young, Bono, Nick Cave, que sais-je moi, Hugues Aufray, Amandine de Nouvelle Star…
En fait, Dylan a contribué à façonner le monde musical dans lequel nous vivons, (pour le meilleur et pour le pire, comme tous les façonneurs), et c’est qui rend difficile de percevoir ce qu’il y a de novateur dans son oeuvre. Attention donc à l’anachronisme.
» je vois le poète-chanteur par excellence, une sorte de Brassens américain, un metteur de poèmes en musique »
Erreur. C’est là que vous manquez la spécificité du génie de Dylan. Il n’est pas un poète qui se met en musique. Lisez « Ballad of a thin man », ou « Idiot Wind », sans musique : aucun intérêt, aucun sens.
Les mots ne peuvent être séparés, ni de la musique, ni de la manière de les chanter. Ecoutez « Subterranean Homesick », ces phrases qui rebondissent sur les unes sur les autres ; on dirait du rap blanc.
Et pourtant, ce sont bien des mots « littéraires », pas des ornements ou du folklore, blues ou country. C’est dans cet espace, entre d’une part, le « mot instrument », ornement inodore (She Loves You) et la « poésie », la « littérature », mise en musique, que Dylan a inventé quelque chose de nouveau, qui n’existait pas avant lui, ou qui n’a été qu’effleuré – et que faute de mieux, on appelé Folk-Rock.
« autrement dit quelqu’un qui combine des traditions éprouvées, mais qui formellement innove peu. »
Ecoutez ce qui se faisait en 1966. Ensuite, écoutez sa façon de chanter dans Blonde on Blonde. Il a peu innové formellement, vraiment ?
« C’est là que vous manquez la spécificité du génie de Dylan. Il n’est pas un poète qui se met en musique. Lisez « Ballad of a thin man », ou « Idiot Wind », sans musique : aucun intérêt, aucun sens »
Ca marche aussi avec Brassens, remarquez. Comme Dylan, ce n’est pas un poète, mais un parolier. Il se définissait d’ailleurs comme ça et avait horreur qu’on le qualifie de poète. Un jour, il avait mis séchement un recueil de poèmes dans les mains d’un journaliste qui le qualifiait de poète en lui disant à peu près « apprenez ce que c’est que la poésie, avant de dire n’importe quoi ».
De même que ces gens-là ne sont pas des compositeurs, mais des mélodistes… Tout ceci étant d’ailleurs fort respectable, un peu comme l’est un bistrotier consciencieux, qui ne fait cependant pas de la gastronomie.
Je vous accorde sans mal votre brevet d’érudition dylanesque, et confesse mes lacunes quant à la connaissance de son oeuvre, mais je me permettrai de reformuler peut-être plus clairement ce que j’essaye d’expliquer : si Dylan a innové, en étirant les traditions qui sont à l’origine de la musique pop, en déchirant ces vêtements qui en composaient le tissu, en composant adroitement avec du vieux pour faire du nouveau, a-t-il jamais su réellement se défaire de ces oripeaux ?, a-t-il su imposer des codes propres à la musique pop ? J’ai le sentiment fatiguant de ne pouvoir entendre parler de Dylan sans pouvoir entendre parler du texte, du texte, du texte, ah quel poète ! etc. Et toujours par des littérateurs à la mords moi le noeud… Encore un qui souffre de la nullité de ses fans, je suppose.
@u grotesque animal du 21 septembre 2010 à 18 h 21 min :
Oh le musicos, maintenant on se calme. Il n’y a pas de fans, ici (on n’est pas sur skyblog), y’a que des amateurs.
Et les doctes du son-qu’il-est-bon sont priés de passer leur chemin.
Il va sans dire que j’exclue les personnes capables de faire ce genre d’exposé de la catégorie des « fans »…
Poussif l’autre ! Comme il y va ! Mais oui, je suis d’accord avec vous, c’est la petite mélodie, la petite musique, les deux ou trois vers marquants qu’on retient, et c’est précisément ce que of Montreal me semble avoir compris mieux que tant d’autres groupes en adoptant une esthétique du riff, du hook, du motif mélodique utilisé le temps de quelques mesures et balancé aux oubliettes ensuite pour être remplacé par un autre, quelque chose d’évident sur un album comme Skeletal Lamping. Après, ces expérimentations sont peut-être davantage de l’ordre de la méta-pop, mais ils me semblent traduire une compréhension profonde de la spécificité de cette forme d’art, ou du moins des efforts nécessaires pour mériter ce titre.