Les cinq forces de Porter est un modèle théorique économique qu’entrepreneurs et investisseurs utilisent pour jauger de la profitabilité d’un secteur et ainsi juger de l’opportunité d’entrer dans le secteur passé sous les fourches caudines de ce cadre analytique, mais aussi et surtout pour bâtir la stratégie qui mènera au succès.
Le succès de ce cadre d’analyse tient à la relative simplicité d’application. Porter n’a rien inventé, comme tout universitaire qui passe à la postérité, il a simplement forgé des concepts qu’il a ensuite collés à des choses qui tiennent du bon sens, de l’expérimentation et de l’observation empirique.
Porter liste cinq forces, qui selon lui, déterminent la profitabilité d’un secteur. Les cinq forces sont: le pouvoir de négociation des clients, la menace d’entrants potentiels, le pouvoir de négociation des fournisseurs, la menace des produits de substitution, l’intensité de la concurrence dans le secteur.
Le pouvoir de négociation des clients: influence sur le prix, termes du paiement…Le niveau de concentration des clients leur accorde plus ou moins de pouvoir. Mettons qu’une centrale d’achats d’un groupe de grande distribution a un vrai pouvoir face à un petit producteur de vin. Contrairement, un concessionnaire de bagnoles totalement indépendant et qui ne vend que des modèles d’une marque précise aura peu de marge de négociation face au constructeur automobile à qui il achète les voitures.
On peut tirer quelques conclusions, le pouvoir de négociations des clients est d’autant plus fort que: les clients sont concentrés, les fournisseurs sont éclatés, le client peut se fournir ailleurs et qu’on peut substituer le produit par un autre…
Le pouvoir de négociation des fournisseurs: La capacité des fournisseurs à imposer leurs conditions à un marché (en termes de coût ou de qualité) a un impact direct et inversement proportionnel à celui des clients. Un faible nombre de fournisseurs, une marque forte, des produits très différenciés sont autant de facteurs qui accroissent le coût de changement des fournisseurs. Vous comprenez maintenant pourquoi les produits Apple coûtent une blinde. On peut considérer que l’Opep devrait avoir un sacré pouvoir, mais ils sont trop cons pour s’entendre…
La menace des produits de substitution: Les produits de substitution ne sont pas du secteur à proprement parler, mais représentent une alternative à l’offre. Il peut s’agir de produits ou services différents répondant à un même besoin (ex : Achat d’une voiture/ Location d’une voiture…), soit de produits influant sur la demande. Les produits de substitution sont caracterisés par une élasticité croisée qui est positive…en gros l’augmentation du prix d’un bien provoque en conséquence l’augmentation de la quantité vendue de l’autre.
L’intensité de la concurrence dans le secteur: les concurrents se font la guerre au sein de l’industrie pour accroître ou simplement maintenir leur position. Il existe entre les firmes des rapports de forces, en fonction du caractère stratégique du secteur, de l’attrait du marché, de ses perspectives de développement, de l’existence de barrières à l’entrée et à la sortie, du nombre, de la taille et de la diversité des concurrents, de l’importance des frais fixes, de la possibilité de réaliser des économies d’échelle, du caractère banal ou périssable des produits, etc.
La menace d’entrants potentiels: la venue de nouveaux concurrents est freinée par l’existence de barrières à l’entrée. Le ticket d’entrée, les brevets, les normes, les mesures protectionnistes, les barrières culturelles… Tous ces moyens rendent l’entrée plus difficile pour une nouvelle firme. Les concurrents déjà en place tentent généralement de renforcer ces barrière à l’entrée. En gros, si vous souhaitez créer une entreprise qui construit des avions, le ticket d’entrée va être cher, les normes et les brevets pour faire voler un avion sont un nombre d’emmerdes pas possibles… En gros, Airbus et Boeing sont relativement tranquilles quant à l’arrivée d’un nouvel acteur sur le marché. En revanche, si vous avez une agence immobilière ou une boutique en ligne qui vend des écrans plats, attendez-vous à en voir fleurir tous les jours…
Exemples concrets: n’investissez pas dans les usines qui fabriquent des bagnoles…à part la menace d’entrants potentiels qui est assez faible (et encore ce point est à relativiser, des constructeurs issus des BRIC ne devraient pas tarder à entrer sur les marchés occidentaux…), les quatre autres forces devraient vous détourner de ce chemin…la concurrence dans le secteur, n’en parlons pas, il y autant de différences entre un modèle compact de Renault, Audi, Fiat, Citroën que de différence entre Lady Gaga Britney Spears, Christina Aguilera et Madonna…Pour les produits de substitution, on peut discuter mais les transports en commun proposent une alternative et la location de voitures se substitue parfaitement à l’achat d’un véhicule…Le pouvoir de négociation des fournisseurs est assez important, demandez-vous pourquoi Les métallurgistes sont les nouveaux milliardaires…le pouvoir de négociation des clients est assez fort car il y a une grande offre, les produits sont standardisés…
Conclusion: très faible profitabilité
À l’inverse, le marché du médicament est sacrément juteux…pas de produits de substitution, le client à très peu de pouvoir de négociation, la molécule qui soigne appartient à un labo pharmaceutique unique et pendant quinze ans…Les entrants potentiels, le pognon et la recherche qu’il faut mettre sur le marché une molécule est absolument délirant…les fournisseurs? La concurrence est plus feutrée… puisqu’on peut considérer chaque maladie comme un secteur auquel correspond une ou plusieurs molécules…Vous aurez compris que c’est bien d’investir là-dedans d’autant plus qu’il y a des lois qui laissent au labo découvreur d’une molécule mise sur le marché un monopole de 15 ans. L’exemple le plus flagrant est celui du Viagra…avec une pilule dont le prix tourne autour de 10-12 euros…
Conclusion: 15-20% de profitabilité
Critique du modèle: comme nombre d’Américains, Porter n’a qu’une vision anglo-saxonne du business, si bien qu’il ne prend pas en compte d’autres forces comme la pesanteur des lois, du gouvernement…
Il y a plein de vidéos disponibles sur youtube sur le sujet, en voici une et une autre…et à l’entendre on comprend pourquoi l’anglais est la langue du business.
Addendum: j’ai en ce moment cette lubie de mettre comme titre aux articles deux mots anglais ( Color-blind, Snuff book et maintenant Porter’s Five)…ça passera.
Oui certes, mais ce n’est pas si simple. Si vous voulez investir dans le secteur automobile, comme dans le secteur pharmaceutique, vous n’avez pas trop le choix, il faut acheter des actions. Et rien ne nous dit que les autres acteurs du marché n’aient pas fait le même raisonnement que vous, et demandent un prix plus élevé pour les pharma que pour les auto, réduisant à néant vos estimations de rentabilités.