Toutes nos félicitations à nos confrères de sur Le Ring pour cette petite merveille de deux heures… Et qu’on ne me dise pas que c’est trop long, deux heures… C’est à peu près le temps qu’il faut pour lire correctement quarante pages.
Houellebecq, j’aime l’artiste et le personnage. Rien à jeter, un petit miracle.
En bonus, lire aussi l’excellent article de Marin de Marin De Viry sur La carte et le Territoire.
Si vous ne lisez et ne regardez pas tout, on vous interdit de vous considérer comme l’un(e) de nos lecteurs(trices).
On y apprend, cerise sur le gateau, qu’il tient De Funès pour l’un des grands génies de son siècle. Et ça, XP l’a toujours dit. Il est même capable, XP, de vous raconter quelques uns de ses films scène par scène.
Farpaitement.
Impression étrange que l’aura de Houellebecq, sa sensibilité voire sa faiblesse presque tangibles, poussent les journalistes à le ménager un peu trop. Bonne interview au demeurant, même si la présence du deuxième journaliste m’a semblé bien inutile. J’ai trouvé le passage de Houellebecq à Répliques bien plus riche… En revanche, comme on pouvait s’y attendre, Elkabbach a sans doute commis l’interview la plus nulle possible au vu du potentiel de son interlocuteur (émission Bibliothèque Médicis sur la chaîne parlementaire).
J’ai vu aussi cette interview d’Elkabbach, et j’ai zappé au milieu, tellement j’avais mal pour Houellebecq… Mais c’est d’ailleurs vrai pour tous les entretiens qu’il donne en ce moment. On a mal pour lui…
Et c’est aussi pour ça que j’ai aimé cette interview là… On sent que Houellebecq est heureux comme si un cauchemar venait de s’arrêter…
Puis j’aime bien dans l’interview de surlering, le temps qu’il prend pour réfléchir à la question posée et répondre tranquillement…ses réponses sont parfois décousues mais l’essentiel reste comme une évidence…puis j’ai aimé aussi le fait qu’il n’évoque quasiment jamais aucun autre auteur français contemporain…ou peut-être un ou deux…avec pour lui, la certitude qu’il est au-dessus de tous les autres, mais sans agressivité…une domination tranquille, implacable…quoi. Il y a peu, j’entendais ce raté d’Angelo Rinaldi sur France Inter, il évoquait Houellebecq, de sa hauteur avec mépris…style non, je ne lis pas ce genre de torchon…mais tu sentais le mépris de façade, un faux snobisme…un peu comme le snobisme ou le mépris de Legrandin dans À la recherche du temps perdu à l’évocation des Guermantes…
( Je n’ai jamais lu Proust, alors ne commencez pas à rebondir lá-dessus, j’en ai lu quelques extraits dans Le Lagarde et Michard…)
Ah, Angelo Rinaldi… La France réac et moisie dans toute sa médiocrité… l’Amour de la langue, la pureté de la langue française, la francophonie, les belles lettres… Enfin toute cette merde.
Mais bon, songeons à tous ces crétins qui ont peuplé la république des lettres à toutes les époques et dont il ne reste strictement rien… Il suffit de lire Léon Daudet pour avoir l’impression de se promener dans un cimetière da campagne, avec des tas de noms qui ne disent plus rien à personne.
Sans surprise, Angelo Rinaldi est un des maîtres spirituels revendiqués de cet atroce crétin d’Eric Naulleau (qui a commis un livre haineux contre Houellebecq et ce qu’il représente il y a quelques années déjà) .
Houellebecq en parle un peu d’ailleurs dans l’entretien avec Marin de Viry, lorsqu’il évoque la prolifération affolante des semi-habiles en France.
Il m’apparaît au contraire que Houellebecq, qui connaissait les questions à l’avance, avait déjà réfléchi depuis bien longtemps à ses réponses, ce qui donne à l’ensemble un air artificiel de petite causerie en fait largement préméditée ; l’atmosphère en est plus agréable, mais je ne sais si c’est le rôle d’un entretien de ce type (quel intérêt de le filmer si tout est déjà écrit?).
Il doit tout de même être possible de mener un véritable entretien de fond, de malmener un peu un auteur, sans donner dans le copinage et en évitant à l’inverse la goujaterie fogielo-elkabbachienne. L’hypersensibilité me semble une excuse de peu de poids pour un romancier…
La difficulté de cet entretien est la grande admiration que Marin de Viry éprouve vis à vis de Houellebecq.(Légitimement cela va sans dire) Il est vrai que c’est difficile de parler à quelqu’un que vous aimez, que vous admirez profondément, dont vous avez tout lu, vous avez vraiment bossé le sujet et le jour J, vous êtes devant le « monstre ». Vous êtes alors dans vos petits souliers, à la limite de « l’imbécilité » même.(j’entends par imbécilité, une sorte d’état qui peut paralyser les plus intelligents)Bon, Mr de Viry n’est pas du genre à se pâmer comme une midinette mais tout de même, il avait la pression comme on dit et il s’en tire fort bien.
Finkielkraut paraît plus détaché, moins ému par l’entretien, peut-être tout bêtement plus habitué à mener ce type d’interview. Finkielkraut est à la hauteur de Houellebecq, deux intelligences, deux « egos » équivalents. Un entretien peut-être plus riche (grâce à d’excellentes remarques de Finky sur le livre même )mais moins approfondi (le temps rentre aussi en ligne de compte)
Dans « La carte et le territoire » (je ne l’ai pas fini), il y a ce passage de l’écrivain Houellebecq (mis en scène par Houellebecq adhonc… vous suivez?) qui dit :
« Vous savez, ce sont les journalistes qui m’ont fait la réputation d’un ivrogne; ce qui est curieux, c’est qu’aucun d’entre eux n’ait jamais réalisé que si je buvais beaucoup en leur présence, c’était uniquement pour parvenir à les supporter. Comment est-ce que vous voudriez soutenir une conversation avec une fiotte comme Jean-Paul Marsouin sans être à peu près ivre mort? Comment est-ce que vous voudriez rencontrer quelqu’un qui travaille pour Marianne ou Le Parisien libéré sans être pris d’une envie de dégueuler immédiate? La presse est quand même d’une stupidité et d’un conformisme insupportables, vous ne trouvez pas? » insista-t-il. »
Oui, Marin De Viry est exceptionnel… et De Funès aussi, vous faites bien de le souligner, surtout dans « Tchao pantin » je trouve.
C’est dans Le Cercle rouge que de Funès est vraiment extraordinaire!
Moi je l’ai surtout aimé dans « Tenue de Soirée », qu’il a joué avec Lino Ventura.
Oh la vache, qu’est-ce qu’il lui met, dans le film, Lino…
La critique de Pierre Poucet est tout aussi formidable et résume assez bien la totalité complexe de l’oeuvre.
extrait: « pour que tout soit consommé, l’épilogue houellebecquien, dans sa globalité idéelle, enveloppante et douce comme un linceul – Walking Ghost Phase – concentre en quelques pages d’une pureté radicale la totalité d’un monde dont le pourquoi désespérant s’éclaire d’un soleil théorique, où brûle froidement l’acceptation d’une claire apocalypse hurlée sourdement en une phrase d’une limpidité désertique. »
C’est vraiment trop beau en plus.
C’est un pastiche ? Rarement lu quelque chose d’aussi boursouflé…
Houellebecq, notre Dekobra ! (non, soyons gentil, notre Pierre Loti!).
Précisément, dans Les mémoires de Daudet on trouve tous les gros vendeurs de l’époque…Mais rien sur Laforgue, un ratage total de Jarry dont il ne voit que les pompes misérables, mais une bonne vue de Scwob si rien sur Gourmont. Ce qui est roboratif, ce sont ses portraits de Charcot, de Faguet « avec sa mine bouillie et clignotante, l’air d’un ramoneur halluciné » et tant d’autres.
« Le plus grand écrivain contemporain »…(Ah là là, so on pouvait se projeter dans une petite centaine d’années.Bientôt on nous dira que Mann, Kafka,Musil et joyce sont de bien pauvres sires à côt). en contemporain, rien que Combet et Claude Simon, Pirre Michon sont TRES supérieurs. Mais alors là, très. Évidemment, comme ils écrivent supérieurement, ils n’ont pas des lectorats de plus de 300 000.
Il est plaisant Houéllou, formaté pour l’époque, le style aussi relâché qu’un plat de nouilles ou un de ces futs modernes qui descendent jusqu’aux couilles. Moulé pour plaire, vite lu, vite oublié. C’est à la littérature ce que SAS est au polar. Pas déplaisant, déjà condamné.
» ils n’ont pas des lectorats de plus de 300 000. »
Ah! Tu vois bien! C’est toi-même qui l’avoue, que Houellebecq est bien meilleur! Alors cesse donc un peu d’être mauvaise foi! Ca nous amuse cinq minutes, mais après, ça lasse!
De la mauvaise foi sur Ilys ? OH !Ce n’est certes pas moi qui l’y introduirai (et de toutes façons je ne jure que par Gavalda, alors …)
Impossible à écouter de chez moi : le machin coince au bout de dix minutes et refuse de se télécharger…
C’est pas pratique le minitel…
Ah c’est malin…
Houellebecq relâché ?
Pas celui des particules élémentaires ou du magistral essai sur Lovecraft.
A partir de Plateforme d’accord.
On sent qu’il écrit pour en vendre des brouettes.
Le Lovecraft est pas mal ouais. Mais il mise sur la haine de Lovecraft, alors que toute sa correspondance (en Bourgeois) nous montre un homme très gentil. Voir comment il a guidé les débuts de Bloch (15ans!). J’ai vraiment bien aimé l’essai, mais soyons sérieux, faire du Chtullu une hantise raciste de Lovecraft c’est…un peu sommaire.
Sinon l’imitation de Lautramont dans Extension (son meilleur) est parfois marrante (« je hisse mon raisonnement des 4 pieux de la pensée » etc, Voir La parole putanisée de Michel Walderg qui analyse fort bien le démarquage. Quant aux Particules, c’est Houellou lui-même qui a déclaré combien la langue en était lourdingue, surtout dans sa partie « scientifique »entendait-il (c’est un garçon intelligent hein). Plus généreux que lui j’etends le concept « tartiné au bitume avec des grumeaux dans la pâte » à tout le bouquin. non mais comparez-moi un paragraphe à un de Michon, la différence saute aux yeux. Michel d’ailleurs ne cesse de clamer qu’il n’a pas de style.Nous sommes pleinement d’accord. (Il y a des écrivains très bien pour leur époque, dont ils peignent fort bien la surface, une certaine ambiance. Michel en est, de plus excellent satiriste. Les plus grands peignent l’Homme où inventent un univers qui fait basculer toute la littérature -Kafka-, ils ont nom Shakespeare,Céline, Mann, Boulgakov et ont tout : style à bruler les pupilles,peinture de l’époque, de l’avenir, de l’Homme, création de personnages éternels. Le gentil Michel ne combat tout simplement pas dans cette catégorie, ça n’empêche pas d’être très lisible.
Son style est à peu près aussi souvent maladroit que miraculeux. Entre deux fulgurances, il est banal. Mais je crois que votre désintérêt de Houellebecq tient à ce que pour vous le style est tout. C’est presque éliminatoire, de fait.
Or Houellebecq, ce sont des personnages à peu près toujours vivants, une structure complexe qui ne dévoile son sens et sa profondeur que très lentement. A la mi-lecture de La Carte et le Territoire, je me suis dit qu’il y avait de nombreux éléments très puissants éparpillés mais que, dans l’ensemble, je peinais à voir le noyau de nécessité qui justifiait l’ensemble. A la fin, je me suis dit qu’avec La Possibilité d’une Ile, c’était indubitablement son plus grand livre.
Je lis moins de romans que de philosophie mais il a réussi à me convaincre, par ses livres, que le roman était la forme d’art la plus totale et la plus profonde, concernant l’homme. Car elle permet de tout embrasser, de tout mêler, de juxtaposer des strates de sens très différentes et de prospecter sur des questions essentielles tout en peignant les vérités mineures qui composent notre vie à tous.
Je ne crois pas qu’on puisse être tiède face à Houellebecq. Ou bien on saisit une étincelle et on comprends soudain tout de manière plus vaste et plus intelligente, ou bien on reste bloqué à la surface, prisonnier sans doute de ses propres goût et, en partie, de l’esprit du temps. Pour moi, Houellebecq, c’est comme si Baudelaire avait écrit des romans.
Sinon, je suis d’accord, l’article de Pierre Poucet est lamentable.
Bon il faut avouer quand même que Marin de Viry n’est peut-être pas au niveau de Jean-Pierre Elkabbach…
Grand moment de solitude pour Houellebecq
http://www.dailymotion.com/video/xeq6xl_public-senat-la-chaine-preferee-de_news
Non, le style n’est pas tout. Il n’est qu’une partie d’un tout, dont l’architectonique -la construction quoi- est tout aussi déterminante. D’ailleurs plus haut j’ai aussi parler de « personnages qui restent », vous m’avez donc lu avec rapidité. Contrairement à ce que vous pensez, j’ai lu -et apprécié- Houellebecq. Mais à sa place : un excellent satiriste, un bon faiseur aussi qui se retape fort bien la vieille formule naturaliste. Il est formaté pour l’époque. Ça se lit facilement. Point. Maintenant comparez avec des romans qui ont changé la face de la littérature, avec le Bouvard et Pécuchet de Flaubert, La montagne magique de Mann, L’Ulysse de Joyce ou le Nord de Céline (pour faire plaisir à XP et ne pas citer Mort à crédit qui pourtant n’est pas Le voyage), bouf, abracadabra, ça n’existe plus l’article manufacturé « an 2000″ de cigarette au doigt. Prenez 15 lignes de Bataille -l’Expérience intérieure par exemple- la différence saute aux yeux entre un bon produit et ce qui relève de l’art. Si vous continuez comme ça, vous nous direz bientôt que Houéllou dépasse Tolstoï et Dostoïevski… Il est pour les masses, il en faut, c’est bien, ça ne va pas loin, mais c’est bien. Là je lis Les promenades dans Rome de Stendhal (ouvrage peu lu à ma connaissance); bon, une page et ça suffit, vous savez que vous êtes en présence d’un écrivain hors concours. Côté construction, lisez La conscience de Zeno de Svevo, vous avez Versailles à côté des légos Houellebecquiens. Quant aux personnages, le jour où il aura créé un Stavroguine, une Esmeralda, on le saura. Houellebecq, c’est un fait, n’est pas Faulkner ou Gontcharov. Ca reste à mi -taille. Et très franço-français (il a beaucoup de succès en Allemagne,Pays-bas mais sorti de là…aux USA néant.). Des auteurs majeurs qui n’ont qu’une reconnaissance réduite aux banlieux d’une infime Europe, n’apportent rien, reprennent de vieilles formules (très habilement) et non aucune influence sur la vraie littérature de leur époque ça ne reste jamais très longtemps.(Il sait raconter une histoire, ça oui, et dans la France d’aujourd’hui déforestée pour cause de romans somnifères ça suffit pour faire la différence.si vous n’avez pas l’habotude du roman, je comprends que ça surprenne agréablement)).
Mises lui nous explique que jusqu’aux Particules inclus c’est très bien, qu’après il fait du commercial.Rien que ça invalide ce que vous dites sur l’étincelle » qu’on a ou pas ». C’est faux, je vous assure.. Personnellement j’ai lu (plusieurs fois) Extension, charmant petit tableau de petit maître, et environs 3 fois les Particules et Plateforme, disons par honnêteté envers moi-même. et bien non, personne ne peut dire que ça vaut Thackeray ou Au dessous du volcan ou Moby Dick. Pourquoi pas Guerre et paix ou Le manuscrit trouvé à Saragosse pendant qu’on y est ? disons même tout de suite que les Conversations de Goethe avec Eckerman ou le journal des Goncourts sont de pauvres choses à côté. Quant ua roman,il a été la grande forme, l’est-il encore? Les genres périssent… Au dix-huitième le roman est regardé comme la Bd l’est aujourd’hui, malgré le Quichotte et Rabelais (et Charles Sorel; ce génie méconnu cf L’histoire comique de Francion). Catéchisé par le 19ème, ce genre est devenu impérial et trouve peut être sa conclusion avec Herman Broch, Musil et joyce. Depuis…Sabato le déclare mort, et Sabato est un grand romancier. Philip roth aussi le croit défunt. Je n’aime guère Roth, mais quand il dit que le roman généraliste est épuisé (et ajoute qu’il y a « deux mille vrais lecteurs maximum » (aux USA!)) je crois qu’il dit vrai. L’important n’est pas là à vrai dire. Vous trouvez énormément de choses en Houllebecq ? (ce que d’aucuns trouvaient au poète Sully Prudhomme ou au romancier Feydeau, le père du dramaturge dont La « Fanny » était tenu par Sainte Beuve pour très supérieure à Flaubert?) Très bien. Sand fit aussi cet effet là, « la latrine du sièle » comme l’appelle ce cher Baudelaire (qui mettait « la sorcellerie évocatoire » du style au dessus de tout et que vous fâcheriez je pense, lui qui vomit l’école réaliste- voir ce qu’il dit de). L’important est ce que vous en ramenez, l’enrichissement que vous y trouvez. Je ne grave pas mes avis dans le marbre. L’avenir tranchera, point. En attendant (on a le temps, disons jusqu’à peu près 10 ans après la mort de Michel, notre Paul Bourget (qui eut droit exactement aux mêmes critiques dithyrambiques en son temps), et bien… que milles fleurs s’épanouissent, pour moi je ne compte pas continuer à discuter sur Houllebecq.On peut aimer Les clash et Bach (c’est mon cas), peut-être même peut-on arriver à Bach par les Clash…qui sait. Par contre, les confondre me semble dangereux. Mais n’est pas mon affaire.
Ps vous croyez sérieusement qu’on est encore dans le jugement impartial quand un type vend plus de 90 000 exemplaire en 5 jours? Non, on est dans le phénomène, les gens perdent la tête. Pas Michel qui lui semble très bien se situer s’y j’en crois cette phrase d’un de ses personnages : « Houellebecq ? C’est un bon auteur, il me semble. C’est agréable à lire, et il a une vision juste de la société. ». Je suis d’accord, un « bon » auteur. Pas un grand.
« Dans ces derniers temps nous avons entendu dire de mille manières différentes : « Copiez la nature; ne copiez que la nature. Il n’y a pas de plus grande jouissance ni de plus beau triomphe qu’une copie excellente de la nature. » Et cette doctrine, ennemie de l’art, prétendait être appliquée non seulement à la peinture, mais à tous les arts, même au roman, même à la poésie. A ces doctrinaires si satisfaits de la nature un homme imaginatif aurait certainement eu le droit de répondre : « Je trouve inutile et fastidieux de représenter ce qui est parce que rien de ce qui est ne me satisfait. La nature est laide, et je préfère les monstres de ma fantaisie à la trivialité positive. » (Baudelaire) Je vois donc mal Baudelaire écrire du Houéllou…
Vous avez de toute façon raison de dire que je ne vous convaincrais pas mais je rectifie juste sur la nature, Houellebecq, pour l’essentiel, la déteste, comme Baudelaire. D’où le postulat essentiel du livre, qui contredit ce que vous dites sur son supposé réalisme : la carte est plus intéressante que le territoire. A la limite, c’est plus Lovecraft qui est un Baudelaire fait romancier (Le chaos du monde est trop important pour qu’on puisse ne serait que s’en approcher par l’écriture). MH est plus un mélange de Balzac et de Baudelaire, vous avez raison.
En ce qui concerne les ventes, MH est habile et sait se vendre mais ce n’est pas un argument. Rabelais a marché du tonnerre aussi, en son temps. Est ce une raison pour le mettre à l’index ? Je ne crois pas. Je connais et apprécie la plupart de vos références mais je crois que vous faites l’erreur de penser qu’elles excluent, ou qu’elles diminuent, la lecture de MH. MH n’est pas Cervantes ni Shakespeare, certes. Mais Cervantes et Shakespeare ne sont plus possibles, actuellement. Et il me semble que MH est le ou un des romanciers de notre temps. Je crois que les questions qu’il aborde sont fondamentales pour comprendre la bifurcation ontologique que l’humanité est en train de prendre.
Bifurcation qui a beaucoup à voir, par ailleurs, avec la mort possible du roman. Dit brièvement, MH envisage la possibilité de la mort prochaine de l’individu, et partant du roman. Il est très possible que la post-humanité technicienne qui s’annonce ne comprenne plus rien à la discussion que nous sommes en train d’avoir. Il est même possible qu’elle ne comprenne déjà plus ce que nous entendons par amour (MH dit que chez lui la question de l’existence de l’amour a la même place que celle de l’existence de Dieu chez Dosto).
Bloy, Goethe et Milton nous sont certes infiniment agréables et passionnants. Ils nous disent ce pour quoi l’homme a vécu, ce qu’il a aimé, par quoi il a été ébloui, avec une puissance que MH ne peut évidemment pas égaliser. Mais il ne nous dise pas ce que l’homme va être. Et c’est peut-être là-dessus que MH a quelque chose à nous dire, sur cette embrasure dans laquelle nous sommes actuellement. Encore une fois, son style n’est pas toujours parfait (je me suis même surpris à corriger au crayon certaines phrases qui me semblaient mal sonner..) mais il l’est parfois. Et il est un des seuls à faire face à ce que nous sommes en train d’affronter. Ca ne me semble pas rien.
Si vous avez le temps, lisez la Possibilité d’une Ile, et La Carte et le Territoire. Je ne pourrais pas vous dédommager du temps perdu si vous n’appréciez pas mais vous êtes intelligent, et préoccupé par la transformation dont MH parle (j’ai lu vos interventions, nuancées, sur Heidy). Et excusez les fautes que j’ai sans doute commises, j’écris à toute vitesse, sans me relire.
Ne vous excusez pas, votre position est intéressante (et convaincante), à tel point que je lirai La possibilité d’une île. quant à La carte et le territoire, je ne sais si vous avez lu mon com ouù je parlais de Van Vogt et de la sémantique générale de Korzibski et des (probables)sources (au sens vaste) houellbecquiennes, mais le fait est qu’il touche là à quelque chose qui m’a intéressé et je finirai donc par le lire. J’attendrais par contre probablement un prêt ou la sortie en poche.
Le fait même que Houllebecq puisse vous inspirer de telles réflexions plaide en sa faveur, y a pas à dire. Et je me méfie souverainement du danger à avoir le nez trop sur son époque tout en oubliant les problémes que le passé eut pour se faire reconnaitre. D’ailleurs entre nous, si j’ai lu trois fois chacun des 3 premiers livres de Michel, c’est bien qu’il y a quelque chose qui me lancine.
donc…to be continued après lectures.
Par contre, je ne reproche absolument pas à Michel Houellebecq de vendre (et par pitié ne rapprocher pas son succès de celui de Rabelais! Bien sûr que Rabelais a bea Je dis simplement que 90 000 exemplaire en 5 jours ça n’a plus rien à voir avec la littérature ni même avec la qualité possible du livre.cela devient un produit doté d’un remarquable plan marketing. Je n’ai pas dit que cela abaissait l’oeuvre, juste que tout regard critique était évacué lors du déclenchement d’un phénomène médiatique et consumériste. Il y eut de cela lors du succès des Bienveillantes de Little. si « u dessus de 30 000 tout succès est un malentendu », que dire d’un tel déferlement où bonne partie d’acheteurs ne sortent leurs biffetons que pour être à la mode, en phase. On est loin, très loin d’un réception critique (au sens non péjoratif du mot). a la limite, en dehors de discussions telle que celle-ci -et en ce sens vous m »‘AVEZ convaincu), il n’est plus vraiment possible de parler de Houellebecq. Je crois qu’il est une concrétion de l’époque qui « récupère » (comme un joeur ratisse une table) des problématiques qui tournent dans l’esprit de l’élite odccidentale depuis au moins cent ans.C’est BLoy contre la technique, c’est Bernanos et sa « France contre les robots », c’est la réflexion Heidegerienne meme.Et j’oubliais Marinetti, qui fut le premeir (à ma connaissance) à dénoncer la technique comme l’aliénation absolue qui vient
Ps Je sais que Houellebecq déteste autant que Baudelaire la nature. Mais par contre c’est un réaliste, un auteur de la mimésis (je pense que vous apprécieriez, si vous ne connaissez pas « Mimésis, la représentation de la réalité dans la littérature occidentale » de Erich Auerbach, coll.Tel gallimard, un classique absolu). Baudelaire refuse -voir la citation que j’ai donnée- la « copie du réel- et particulièrement la « copie triviale ». Or toute une partie de l’esthétique de houellou repose sur la mimésis la plus triviale.Subsumée par une vision de l’Homme en cours de réification? possible….J’avoue que je trouve intéressant de rapprocher Heidegger et sa réflexion sur la technique((« Pourquoi des poètes » et « La dévastation et l’attente »). L’idée d’un Houellebecq romancier de l’homme de la technique, produit de celle-ci, son enfant, et produisant un roman à la semblance esthétique de cet homme tel qu’il est en devenir aujourd’hui est très intéressante.
C’est marrant tout ce que vous racontez là,moi je ne n’en comprends que le tiers, j’ai pas le niveau de ce blogue d’élite.Mais je me souviens que Nebo avait y’a quelques temps fait des notes là-dessus, bernanos, tout ça et je suis allé les retrouver pour vous. Nebo fera des précisions à ce sujet si ça le branche.
http://incarnation.blogspirit.com/archive/2009/02/16/extension-du-domaine-de-la-lutte-dans-la-france-des-robots.html
et puis y’a ça aussi
http://incarnation.blogspirit.com/archive/2009/02/16/bernanos-houellebecq-houellebecq-bernanos.html
Restif,vous y alliez déjà de vos magnifiques étincelles.
Merci Dindon, merci… :-I
Pour être honnête, j’ai trouvé Extension assez banal. Et je crois que ce n’est pas hasard si c’est celui qui a reçu le plus de soutien médiatique, avec le dernier. La portée métaphysique d’Extension est faible, c’est un bon roman qui décrit les petites misères de son époque, avec un fond de sauce schopenhaurien (qui n’est pas pour me déplaire, entendons nous bien) et une thèse sociologique compréhensible en une phrase.
La Carte peut passer pour un roman sociologique aussi (le devenir parc touristique de la France), c’est ce que j’ai cru au début mais c’est une compréhension bonne pour les journalistes qui lisent vite et comprennent peu. Là, la thèse sociologique se juxtapose aux personnages (dont le double de Houellebecq, qui est certainement « plus intéressant » que le Houellebecq réel) sous l’auspice de la devise que j’ai cité plus haut. Cette idée du remplacement progressif du territoire par sa carte (postale en l’espèce) est une idée qui a intéressé beaucoup de philosophes bien entendu, mais le roman apporte là une étendue qui fait défaut à la philosophie, celle de l’épaisseur humaine. Là, on voit le processus à l’oeuvre, se développant à travers toutes les pores du monde.
En ce qui concerne la Possibilité, outre la beauté intrinsèque du style (qui atteint son sommet, là il a véritablement réussi à « faire entrer la poésie dans le roman » comme il dit), cette image de post-humains réduits à un état de béatitude presque végétative, déconnectés des préoccupations et des douleurs humaines anciennes autant que les athées modernes le sont de la piété moyen-âgeuse, est à la fois fascinante et terrifiante.
Ceci étant, je vous accorde qu’un peu moins de battage serait appréciable (en une des Inrocks, les ignobles qui osent placarder des photos de Rimbaud dans le métro barré d’un grotesque « Poète sans-papier »..). Mais je peux comprendre qu’il ait voulu vivre de sa plume et arrêter de travailler.
Ne vous excusez surtout pas ! votre position est intéressante (et convaincante), à tel point que je lirai La possibilité d’une île. quant à La carte et le territoire, je ne sais si vous avez lu mon com où je parlais de Van Vogt et de la sémantique générale de Korzibski et des (probables)sources (au sens vaste) houellbecquiennes, mais le fait est qu’il touche là à quelque chose qui m’a intéressé et je finirai donc par le lire. J’attendrais par contre probablement un prêt ou la sortie en poche.
Le fait même que Houellebecq puisse vous inspirer de telles réflexions plaide en sa faveur, assurément. Et je me méfie souverainement du danger à avoir le nez trop sur son époque tout en oubliant les problèmes que le passé eut pour se faire reconnaitre. D’ailleurs entre nous, si j’ai lu trois fois chacun des 3 premiers livres de Michel, c’est bien qu’il y a quelque chose qui me lancine.
donc…to be continued après lecture(s).
Par contre, je ne reproche absolument pas à Michel Houellebecq de vendre (et par pitié ne rapprocher pas son succès de celui de Rabelais! Bien sûr que Rabelais a beaucoup vendu, mais pas plus que Merlin Cocaïe et beaucoup moins qu’Erasme avec le « Cicéronianus »- ouvrage passionnant d’ailleurs pour qui s’intéresse au regard changeant de l’Histoire sur l’écriture,sa réception, la question du style, de la rhétorique, de la misémis et de l’imitation aristotélicienne etc – l’histoire des mentalités quant au concept de littérature).Rabelais n’a rien à voir avec ce qu’on a nommé « le phénomène Houellebecq ». Le seul qu’à l’extrême limite vous pourriez rapprocher question vente colossale dans les « grands » -je ne l’aime pas mais ça ne compte pas- c’est Zola et dans les médiocres Bourget et Dekobra-quoi que je n’ai pas lu Dekobra, c’est peut être grandiose La madone des sleepings…. Question vente je dis simplement que 90 000 exemplaire en 5 jours ça n’a plus rien à voir avec la littérature ni même avec la qualité possible du livre.Cela devient un produit doté d’un remarquable plan marketing. Je n’ai pas dit que cela abaissait l’œuvre, juste que tout regard critique s’en retrouvait ipso facto écarté, évacué même par le déclenchement d’un tel phénomène médiatique et consumériste. On retrouve de tels ingrédients dans le succès des Bienveillantes de Little. Si « Au dessus de 30 000 tout succès est un malentendu », que dire d’un tel déferlement où bonne partie d’acheteurs ne sortent leurs biffetons que pour être à la mode, en phase parlotte-de-soirée. On est loin, très loin d’un réception critique (au sens non péjoratif du mot). A la limite, en dehors de discussions telle que celle que nous avons (merci à l’écrit; à ilys, aux blogs et au net) -et en ce sens vous m »‘AVEZ convaincu ^^-, il n’est plus vraiment possible de parler de Houellebecq.
Je crois qu’il est une concrétion de l’époque qui « récupère » (comme un joueur ratisse une table) des problématiques qui tournent dans l’esprit de l’élite occidentale depuis au moins cent ans.C’est BLoy contre le monde moderne et ses inventions (haine du téléphone, de l’ascenseur, du métro), c’est Bernanos et sa « France contre les robots », c’est la réflexion Heideggerienne même.Et j’oubliais Marinetti, qui fut le premier (à ma connaissance) à dénoncer la technique comme l’aliénation absolue qui vient. Ajouter ça et le nihilisme triomphant d’une époque qui n’a digéré que la sauvagerie du punk mais n’a pas dépassé le No future, cette ère de l’effondrement de toutes les utopies religieuses ou politiques, particulièrement en cette France qui ne croit plus à sa gauche ni vraiment à sa droite, saupoudrer de rêve scientiste,-la science seule succès indiscutable de l’occident, c’est le gros lot. La science dis-je, car c’est patent ce désir cher notre romancier de vouloir s’arrimer à un savoir d’ordre scientifique -d’où dès Extension son rattachement à la sociologie de Comte.a ce propos… Ce qu’on sait moins c’est que le positivisme comtien débouche sur le délire, avec sa Sophia à lui qui ne déparerait pas celle de Postel.Vu la persistance, la permanence chez l’auteur des maîtres qu’il s’est choisi (maîtres au sens d’esprit-guides, esprits-frères?pères?…), sa fidélité profonde à ce qu’il en retire, et donc le suivi des fondamentaux houllebecquiens, vous devriez peut-être vous interroger sur le rapport existant(?) entre l’Amour chez Michel, l’amour question centrale de ses livres et la volonté comtienne de concilier positivisme et Amour à travers la figure emblématique, divinisée, de Clotilde de Vaux -voir ce qu’est (quand elle est positive) la femme chez Houellebecq, femme refuge femme empathie, don, amour. Michel ne tirant pas toutes ses cartouches et préservant ses textes-sources bien plus qu’on ne le croit (une manière de trier le lecteur pour toucher le noyau qui l’intéresse dans la marée montante des acheteurs?), il pourrait y avoir là une clef herméneutique (au double sens : d’abord en dévoilant le fil rouge : Amour-question centrale du roman, présence de Comte, VS rapport Positivisme/Amour/C.De Vaux. Deuxièmement en nous donnant une clef du type d’hermeneutique applicable à Houellebcq : fonctionnement du processus d’analyse à mettre en oeuvre, en l’occurrence l’appel à l’intelligence et plus encore peut-être à la culture du lecteur.Vous voyez que je fais la part belle à notre ami.Déjà parce que suis toujours peu ou prou avocat contre moi-même, deuzio parce que je me méfie de ce syndrome « les yeux sur l’époque ». Reste quand même qu’un très grand écrivain c’est pour moi plus que ça. Vous parlez de Lovecraft : mais dans son essai Houellebecq sélectionne soigneusement son corpus. rien sur le poètique de La quête de Cephalais, d’Iranon (de mémoire les noms alors scusi)et toute le merveilleux no, horrifique de Démons et merveilles (les chats d’Ulthar etc). La veine dunsanienne de Lovecraft est capitale, même si ce n’est pas celle qui assure son triomphe posthume (pas UNE couverture de Weird tales dans toute sa vie quand des tacherons comme Leister en avaient à foison). Et puis Houellebecq oublie totalement d’autres influences majeures de Lovecraft, non seulement dunsany mais plus encore Hodgson.Sans « La montagne au bord du monde », « Le pays de la nuit », Lovecraft n’eut pas été le même. Corpus trafiqué pour correspondre à ses dires, méconnaissance (voulue,) des « maîtres » de Lovecraft, mise complète de côté -parce que détruisant sa thèse- de l’homme Lovecraft tel que nous le présente sa correspondance et les témoignages, un homme d’une gentillesse exquise, pas du tout un haineux, ça fait beaucoup. c’est gênant côté honnêteté intellectuelle. Et je parle d’un texte que j’aime (parce que c’est un texte de fan au meilleur sens du terme, pas un texte de cuistre, de type sur sa montagne au-dessus de ça mais d’un réel amoureux de HPL). Je dirai enfin que ce qui lui manque le plus, et ça c’est rédhibitoire en littérature, c’est d’apporter du neuf : niveau forme c’est une resucée du roman réaliste 19ème, sous Balzac modernisé, Zola goût du jour. Son monde existe déjà dans Elis (les marques comme signes littéraires et fétiches modernes)il n’y pas ce basculement du point de vu qui est l’essence, la signature de l’auteur majeur. Je ne dis pas, encore une fois, qu’il n’est pas bon, car il l’est. Mais pas un kafka, un auteur qui féconde la littérature. Maintenant, votre com soulève des questions passionnantes -peut-il y avoir un autre roman que le roman houllebecquien aujourd’hui?(temps de décadence déchéance) n’est-il pas l’auteur terminal de la fin du roman, correspondant à la fin du roman généraliste? Mieux : n’est-il pas le premier romancier de l’après humanisme ABSOLU ? je passe sur d’autres problématiques, n’étant déjà que trop long. De plus, à vous lire, il me faut lecture de toute l’oeuvre romanesque pour conclure. Alors…
Le fait même que vous puissiez voir ce que vous trouvez en Houllebcq m’impressionne en sa faveur, en tirer de telles questionnements plaide en faveur de Houellebecq. Mais n’est-ce pas votre richesse que vous y mettez? à voir. En tous cas un tel débat dit quelque chose sur la littérature occidentale, et ça c’est intéressant(litote). Ça dépasse de beaucoup une problématique de « convaincre quelqu’un de qql chose ».
Ps Je sais que Houellebecq déteste autant que Baudelaire la nature. Mais par contre c’est un réaliste, un auteur de la mimésis (je pense que vous apprécieriez, si vous ne connaissez pas « Mimésis, la représentation de la réalité dans la littérature occidentale » de Erich Auerbach, coll.Tel gallimard, un classique absolu).Or Baudelaire refuse -voir la citation que j’ai donnée- la « copie du réel »- et particulièrement la « copie triviale ». Or toute une partie de l’esthétique de houellou repose sur la mimésis la plus triviale.Subsumée par une vision de l’Homme en cours de réification? possible….J’avoue que je trouve intéressant de rapprocher Heidegger et sa réflexion sur la technique((« Pourquoi des poètes » et « La dévastation et l’attente »). L’idée d’un Houellebecq romancier de l’homme de la technique, produit de celle-ci, son enfant, et produisant un roman à la semblance esthétique de cet homme tel qu’il est en devenir aujourd’hui est très intéressante.
PS II Je donne un lien trouvé.Bcp de bla-bla mais intéressant quand même, ne serait-ce que parce c’est comique de voir mémé-la-fac courir de peur de rater le train. Un bon texte (je link sur lui) : la comparaison Ellis/M.H, ça lm’avait aussi frappé mais l’auteur va bien plus loin et dans un angle pertinent.
http://books.google.fr/books?id=Boi3gICFIJ0C&pg=PA137&lpg=PA137&dq=houellebecq+à+l'étranger&source=b
Oups…Je viens de voir que mon com était déja passé. L’ordi ne m’a PAs prévenu.Bon et bien j’ai l’air d’un parfait abruti. Le pire est que la deuxième version (celle-ci) est plus substantielle que la 1. Ce 1 était en cours d’écriture, j’ai rajouté.surtout la partie sur Comte plus le PS. Quel âne! mais l’ordi normalement me prévient toujours!!!
Je ne peux demander qu’on lise ce post, que j’ai « truffé » de phrases en plus… Il est bien plus complet que le « 1 », cet erreur de départ. Mais je sais que toute plaidoirie est intuile. La connerie est mienne. Tant pis.
Emil, décidément même quand on aime un Houéllou on est pas d’ac! (c’est ce qui est marrant ‘videmment!)Moi au contraire j’apprécie Extension. Merci de la discussion en tous cas.
Cher Dindon, vous êtes exquis d’urbanité et de gentillesse avec moi. Je me relirai avec une douceur narcissique. C’est toujours agréable d’être apprécié, d’avoir des personnes qui vous a et je vous remercie mucho,mucho de m’envoyer de si bonnes ondes.
« d’avoir des personnes qui vous aiment bien ».
décidément…encore un de mes grands soirs « éjaculation précoce »…
Je crois que notre désaccord vient d’une différence de profil qui dépasse MH en propre. Vous êtes un littéraire qui s’intéresse aux essais, et je suis un amateur de philosophie qui s’intéresse à la littérature. La plupart des écrivains que j’aime flirtent avec l’essai ou sont en tout cas très cérébraux (Borgès, Kafka, Gracian etc.). D’où parfois une certaine sécheresse, qui déplaît souvent à mes interlocuteurs plus férus de littérature que moi.
Mais votre dernier commentaire modifié est très intéressant, merci. Il faut sans doute prendre comme une chance de vivre une époque comme la notre, au bord (version optimiste) d’un changement métaphysique radical. Il est probable que nous restions à jamais étranger au monde qui s’annonce, mais nous pouvons au moins en retirer un certain plaisir intellectuel, forcément teinté de mélancolie.
Je partage votre diagnostic, autant sur les profils que sur la question du monde qui s’annonce et celle de la valeur du moment présent.Ceci dit, j’aime beaucoup Borges, mais là beaucoup! c’est un de mes « maîtres » (terme qui met toujours un peu à côté en littérature). Et Kafka donc! Mais le diagnostic général reste vrai.Et c’est moi qui vous remercie 1) d’avoir eu le courage de lire ce com modifié.2) de m’avoir ouvert à des questionnements féconds et donné envie d’aller y lire un peu.
J’ajoute que la critique de Marin de Viry tient essentiellement à ce passage, qui est le fruit d’une intuition juste mais partielle :
C’est en fait le mouvement de fond dans l’oeuvre de Houellebecq. Il fait le constat de l’épuisement de l’Occident dans Extension et, depuis, chaque roman est la description d’une possibilité qui s’ouvre dans ce moment nu. Mais il ne présente jamais chacune de ces possibilités comme une possibilité parmi d’autre. Il montre au contraire tout ce qu’elle a de logique, de sensible et de total. Les possibilités sont entièrement ouvertes, mais une fois que l’une d’entre elles se sera installée, rétrospectivement, elle paraîtra évidente. Chacune de ces possibilités (tourisme sexuel, clonage, vitrification touristique de l’Europe) doivent paraître certaines et inéluctables mais à chaque fois une nouvelle apparaît. Le noyau de nécessité qui engendre un roman chez Michel Houellebecq, c’est l’intuition d’une possibilité nouvelle. Livre après livre, il essaie de cerner de quoi l’humanité de demain sera faite, et c’est bien sûr ce qui le rend passionnant et essentiel.
Si une nouvelle lecture vous apporte plus de lumière, n’hésitez pas à venir en parler ici : http://www.peresfondateurs.com/forum2/index.php?topic=45.0 C’est un salon de gentlemen, vous y serez le bienvenu.
@Restif/ Emil
Merci à tous les deux pour cet échange tout à fait passionnant.
Pensez-vous que Houellebecq soit un lointain écho de Maistre? il nous fait toucher du doigt par le roman, ce qui est plus puissant que de le faire dans un essai, l’irrationalité absolue de l’Histoire. Au point de néant où l’Occident est rendu, tout peut arriver, la Raison est anéantie, nous sommes entièrement entre les mains de Dieu. Il y a un mur et l’on peine à imaginer ce qu’il y aura après ce mur, tous les scénarios semblent possible à des degrés divers mais ce qui prédomine, en tous cas chez moi, c’est que ce seront certains événements peut-être même insignifiants, qui décideront de tout. Une fois ces événements passés on glosera pendant des siècles sur le fait que tout était là, en gestation, et que ce déroulement de l’Histoire était on ne peut plus prévisible. Mais c’est faux et nous seuls savons aujourd’hui que c’est faux; si ces événements ne se produisent pas le destin peut-être tout autre. C’est ça la Providence.
@ Aquinus
« Une fois ces événements passés on glosera pendant des siècles sur le fait que tout était là, en gestation, et que ce déroulement de l’Histoire était on ne peut plus prévisible. Mais c’est faux et nous seuls savons aujourd’hui que c’est faux »
Ici, vous m’intéressez particulièrement, une fois de plus.
L’air de rien, vous mettez le doigt sur un très gros paradoxe: le recours incessant à l’histoire, à la connaissance historique, est l’une des symptomes de la décadence de l’occident.
Non, l’Histoire n’est pas un Livre qu’il suffit de connaitre, de consulter et de respecter pour comprendre le présent et cerner le futur. Comme vous le dites, rien n’est prévisible, et le passé ne nous apprend rien d’essenciel.
(Je ne dis pas qu’elle ne nous apprend rien et qu’il ne faut pas la connaitre, je dis qu’il s’agit d’une discipline de seconde main à laquelle on se réfère trop)
Un autre paradoxe: croire que le fait de bien connaitre le passé est un remède contre la Modernité et la décadence dont elle est porteuse, alors que le culte du passé est justement l’une des marques de cette modernité, et pour prendre un exemple, rappelons que la notion de « patrimoine » fut forgée par le Romantique Victor Hugo en 1830.
Nous nous accrochons trop à cette dichotomie paresseuse « Modernité=table rase »; anti-moderne =priorité accordée au passé ».
Non, ça ne se passe pas comme ça, et c’est d’abord de ça dont parle Philippe Muray dans « le XIXème siècle à travers les ages »: les modernes ont introduit le culte des morts, tandis que le catholicisme repose sur la croyance CARDINALE ET NON NEGOCIABLE d’une séparation absolue entre le monde des morts et celui des vivants, de l’incapacité définitive des vivants à percer le mystère qui entoure le monde des morts. Or ce dogme implique une certaine capacité à oublier les morts, à ne pas croire superstitieusement qu’ils ont tout à nous apprendre.
Je sais bien ce que l’on va me répondre: l’Histoire est instrumentalisée, manipulée, on n’apprend donc plus vraiment l’Histoire, on, on cherche donc tout au contraire à la faire oublier.
Moi je crois que si ceux qui enseignent l’histoire peuvent si facilement véhiculer des mensongess, c’est d’abord parce que l’on part du postulat mensonger selon lequel le decryptage du passé peut nous donner la clef de notre actualité.
Prenons deux exemples:
Hitler a massacré les Roms, et le gouvernement Français semble vouloir chasser les Roms. Que doit-on en conclure? Que l’histoire n’a pas grand chose à nous apprendre, que la référence à elle ne sert qu’a charrier des sophismes et une incapacité à comprendre le présent et surtout à vouloir même le comprendre… Ils furent scandaleusement persécutés hier, ils se comportent très mal aujourd’hui. Point.
Deuxième exemple: « on est allé chercher les immigrés quand on avait besoin d’eux »… En vérité, nul besoin, ci ce n’est pour alimenter le débat historique, d’expliquer que c’est faux.
En partant de l’hypothèse que ce soit vrai, alors cela vaudrait tout simplement dire qu’on en a eu besoin hier et qu’ils sont nuisibles aujourd’hui, et que l’histoire n’a rien de très important à nous dévoiler.
Petit rajout;
Le dogme catholique pourrait peut-être se résumer à ce mot: Séparation: entre les vivants et les morts, les peuples, les sexes, alors que l’Héresie pourrait se résumer à celui-là: indifférenciation.
Or, cette idée de séparation englobe aussi la notion de temps, la séparation entre les époques, et donc dans une large mesure leur incapacité à fusionner, c’est à dire à s’imbriquer harmonieusement et à s’expliquer entre elles.
Du reste, tous les grands ont su remettre l’Histoire à sa place, ne seraient-ce que Schopenhauer, Nietzsche, ou plus récemment Musil. A ce propos lire l’excellent « Robert Musil : L’homme probable, le hasard, la moyenne et l’escargot de l’histoire » de Jacques Bouveresse (encore lui), essai qui déborde très largement l’analyse littéraire du seul Musil, et qui donne à comprendre le fossé qui sépare l’Histoire des sciences exactes, et par conséquent la fumisterie des petits Wolton qui osent se définir comme l’incarnation de la science sur les plateaux télévisés, quand ils n’en sont qu’un abâtardissement, symbole des « sciences humaines », autrement dit entre-deux qui n’atteint ni aux sciences, ni aux humanités.
@XP ce que tu dis de la religion catholique (et incidemment, mais c’est le même sujet, du 19ème à travers les âges) peut se résumer fort simplement par cette parole du christ : « Laissez les morts enterrer les morts ». Une autre louche ? « Ton Seigneur n’est pas le Dieu des morts mais le Dieu des vivants. » On oublie trop ce qu’on à sous les yeux epuis des siècles, sans doute parce que les gloses ont fini par recouvrir La Parole. « L’évangile est tellement plus jeune que vous » disait déjà Bernanos aux GVD de son temps (GVD, (« approuvé par l’IPPA » – Institut pour la propagation des acronymes »).
C’est marrant comme on creuse la moindre phrase de Nietzsche ou d’autres en oubliant que les paroles du christ se posent un peu là comme clés interprétatives.
Quant à l’Histoire, c’est Aron dans son « Introduction à la philosophie de l’histoire » qui nous rappelle qu’elle est par essence inateignable dans sa vérité, l’observateur étant toujours prisonnier des schémas mentaux de son époque, ce qui le rend inapte à saisir ce qu’étaient les concepts qu’ils tentent d’étudier aux yeux des vivants de l’époque du temps qu’il étudie. Comment c’était perçu, quel logiciel intellectuel était à l’oeuvre?. Encore pour les idées peut-on tenter des généalogies, tamiser des écrits, des aperçus, des correspondances. Mais pour les événements…quand on connait la valeur des témoignages… que deux heures après un accident trois témoins ont vu trois trucs qui différent, on imagine l’impossibilité de retracer exactement des faits qui se sont déroulés il y a des siècles. L’histoire est une suite d’hypothèses, pas une science exacte. Oh, on sait qu’un tel est couronné à telle date. Mais la façon dont ça modifiait l’équilibre des pouvoirs, comment c’était perçu par les cours d’Europe ect, macache wallou comme on dit à l’Académie. Tiens, rien que pour Waterloo on discute encore le quoi du comment du pourquoi. Alors prendre l’histoire comme carte routière…
« les concepts qu’il tentE d’étudier »… D’hab je ne corrige jamais ce qui me saute infailliblement aux yeux deux secondes APRES postage,mais là le sens cafouille tellement.
@ Aquinus -Emil serait sans doute mieux armé pour vous répondre, vu qu’il pense l’arrière-plan « théologique » (sens large, « athéologique » pourrait-on dire; pas au sens de Onfray!) de Houlellebcq, son paradigme en qql sorte. Une seule chose : Maistre croyait encore à un troisième avènement, une nouvelle révélation, mais d’ordre évidemment chrétienne. Houellebcq me semble appartenir à un « après l’histoire » au sens où l’histoire était un humanisme. Il n’en appelle peut être pas moins lui aussi à une nouvelle révélation, mais plus du tout de l’ordre maistrien. (Ceci rajouté puisque je corrige; mais ce ne sont que gouttelettes d’idées, Maistre est bien loin.)Il y a bien la Providence, je ne crois pas que M.H y croit.
Déjà, toute sa filiation intellectuelle est celle d’un christianisme sur le fil, dans lequel Dieu est une tentative désespérée. Dans un siècle où Dieu apparaît dans l’évidence de son absence, Houellebecq peut donc difficilement être chrétien. C’est un orphelin de Dieu, mélancolique, conscient de ce qu’il a perdu, mais incapable de le retrouver. Il est bien entendu très fécond de le lire en tant qu’auteur post-chrétien, mais il ne faudrait pas oublier qu’une rupture radicale de continuité a eu lieu.
Cette rupture nous soumet à un principe d’incertitude métaphysique épuisant dont La Carte et le Territoire nous peint peut-être l’avenir. De même que la France a vécu une très violente rupture de continuité culturelle, l’Eglise a vécu une très violente rupture de continuité spirituelle. Aujourd’hui, on peut faire avec MH le constat d’une sorte de retour à la France traditionnelle, ses terroirs, ses traditions etc. Mais nous avons perdu le territoire, cette France là est morte. Nous pouvons la faire revivre, et c’est peut-être notre seul destin économique, mais ce ne sera plus la même, ce sera une France mimée et singée.
On peut déceler sans peine dans la jeune génération (ma génération en fait, autour de 20 ans) un état de recherche permanent. Et le christianisme est une des possibilités envisagées, souvent en vain. Ou alors, le christianisme n’est plus perçu que comme un outil intellectuel. Il est repris, comme un signe d’appartenance et de continuité, c’est-à-dire comme un marqueur identitaire.
Bien sûr, ces deux processus n’ont à première vue pas de rapport. Mais ils ont tout de même un point commun : une réalité traditionnelle vécue qui se transforme en signe, et en carte. C’est un point qui me paraît fondamental pour comprendre notre temps. Il est très possible, d’ailleurs, que la carte ‘Eglise’ ou ‘France’ se fonde à terme avec le territoire. Il est même probable que le destin de ma génération soit de rétablir leur juxtaposition. Mais vous le voyez, nous sommes soumis, plus que jamais, à la tyrannie de l’incertitude, ce qui nous expose dangereusement à tous les volontarismes, y compris spirituels, fondés sur l’idée stupide que « notre futur reste à inventer ». Alors que, et c’est là toute la difficulté pour notre génération, le futur ne s’invente pas, il s’hérite.
L’Occident a certes toujours été marqué par le doute et l’incertitude mais ils ont atteint aujourd’hui un seuil intolérable pour le commun. Le besoin d’une réponse simple, complète et entière se fait sentir avec une urgence de plus en plus dramatique. Parmi les volontarismes qui nous menacent , au premier rang en France est bien entendu le syncrétisme islamo-républicain. Peut on le reprocher aux gens qui s’y laissent aller ? Je n’en suis pas sûr. La plupart des gens ne demandent qu’à habiter une maison spirituelle qui les guide et qui réponde à leurs besoins les plus élémentaires. Ils ne veulent pas, et n’ont jamais voulu, se débattre dans l’incertitude. Celle-ci a toujours été l’apanage d’une élite et notre drame est celui de sa diffusion dans la masse. L’Eglise a renoncé à répondre à ce besoin en Europe et c’est à mon avis une faute tragique.
Mais, excusez-moi, je me laisse emporter et je divague. Tout cela pour dire que le rapprochement avec Maistre est intéressant, mais un peu forcé et qu’il convient de prendre en compte tout ce qui nous sépare du monde de Maistre.
J’ajoute, pour Restif, en ce qui concerne la mort du roman, qu’elle ne vaut que pour le roman (et, peut-être, la peinture figurative, qui était elle aussi un art à hauteur d’individu). La poésie peut très bien survivre sans individu, et la troisième partie de La Possibilité d’une Ile est d’ailleurs la tentative magnifique d’écrire la poésie d’une post-humanité possible.
J’ajoute que la discussion sur Ring entre Marin de Viry et Stalker parle à peu près exactement de la même chose (Maistre y est aussi cité) : http://www.surlering.com/article/article.php/article/la-carte-et-le-territoire-un-moment-nu