De Al-Qaïda au halal

Dans le maelström des interprétations délirantes, et des chercheurs plus ou moins tarés les proférant à loisir dans la presse, consécutif au 11 septembre 2001, un argument s’illustrait particulièrement. Je dis particulièrement parce qu’il épousait le discours d’Al-Qaïda. Cet argument était celui de la provocation.

Ainsi nous expliquait-on que les musulmans étaient humiliés. Pourquoi ? Parce que les troupes américaines, mécréantes, occupaient le sol sacré d’Arabie Saoudite. Pourquoi sacré ? Parce que l’Arabie Saoudite abrite La Mecque.

Cet argument voyageait dans les colonnes du Monde comme ceux sur la pauvreté économique, le manque de démocratie dans les pays musulmans, la corruption, la culpabilité intrinsèque de l’Occident dans tout cela et sans compter le conflit israélo-palestinien, etc.

Et le départ des troupes américaines d’Arabie Saoudite semblait ainsi être une des solutions pour que Al-Qaïda cesse de recruter ces pauvres jeunes gens manquant de repères et marqués par le sceau de l’humiliation et de la douleur qui conduit, on ne le sait que trop bien n’est-ce pas, à la violence.

De tous ces arguments déployés en 2001, certains n’ont pas résisté au temps qui passe et à la marche en avant de l’histoire.

En 2003, par la grâce de G.W.Bush, il n’était déjà plus question du manque de démocratie dans les pays musulmans après l’intervention américaine en Irak.

En 2010, avec Obama, c’est l’idée de la provocation qui disparait. Celui-ci défendant l’édification d’une mosquée à proximité de ground zero tout en reconnaissant, dans le même discours, que cette terre même de ground zero est sacrée.

Tout cela est possible, bien entendu, parce qu’une savante distinction est faite entre musulmans et fondamentalistes musulmans. Cette distinction existe d’ailleurs, il n’est pas question de la nier. Certains argueront même que la construction d’une mosquée à un tel endroit désarme les fondamentalistes. C’est l’idée même qui a prévalu au discours visant à faire sortir l’islam des caves vers le sommet des minarets avec ces nouvelles mosquées qu’on créé un peu partout en Europe. L’objectif en mettant l’islam au jour et d’accélèrer sa mutation à notre contact. Et de voir se créer un islam européen. Mais, plus encore, il y a l’idée que des musulmans apprenant à vivre en Europe avec leur foi, modifie inéluctablement celle-ci ou, plutôt, la pratique de celle-ci.

Le symbole ultime de tout cela est, en France, le CFCM.

Le raisonnement n’est pas faux.

Et il s’illustre par exemple dans le très actuel débat sur le halal.

Il faut être clair. Le Quick halal, toujours par exemple, est une réponse à une tendance communautariste et conservatrice des musulmans de France. Tendance qui commence à gentiment s’emballer. Ainsi peut-on lire sur le site du CFCM que manger au Quick halal n’est pas encore assez halal si vous consommez du coca-cola.

Parce que le coca est américain ? Non. Enfin, du moins cela n’est pas explicitement dit. Il n’est pas encore question en France de promouvoir trop visiblement les marques de cola dites islamiques (type mecca cola, même si celui-ci est encore suspecté par les islamistes).

Non, le problème du coca cola c’est qu’il contient de l’alcool. De manière infime. En dessous du seuil de 1,2% mais… Mais c’est néanmoins suffisant pour que le CFCM en appelle tout à fait officiellement à ce que les musulmans de France s’abstiennent de boire du coca cola désormais.

Si nous ne disons pas que ces boissons alcoolisées à une faible quantité sont haram – nous ne le disons pas et nous ne l’avons jamais dit -, nous nous abstenons toutefois désormais d’acheter et de boire les boissons de la marque Coca-Cola.

Pourquoi faudrait-il s’abstenir alors ?

Car, pour revenir à ce fameux seuil légal de 1,2 % qui permet de considérer qu’une boisson est alcoolisée ou non, 1,2 % d’une bouteille de 1,5 litre, c’est 2,25 litres d’alcool pur dans un baril de 150 litres. Soit 5,5 bouteilles de whisky contenant 40 % d’alcool dans 150 litres.

Véridique.

Peut-être aurait-il suffi au CFCM de reprendre à son compte ce que nous disent les campagnes d’information du ministère de la santé sur les boissons gazeuses type coca cola pour éviter le débat du haram versus halal…

Mais non.

La folie actuelle du halal c’est le fol et dernier espoir de concilier le marché et la tradition.

Disons le franchement. S’il existe aujourd’hui un islam de France, il se singularise par sa pratique tout à fait constante et créative du double discours. Celui cher à Tarik Ramadan par exemple et que je peux adapter ici,

On ne vous dit pas que c’est haram, mais cela représente plus de cinq bouteille de whisky et nous, au CFCM, on s’abstient d’en boire.

Maintenant  c’est à vous de voir hein.

Cette formidable aptitude au double discours est véritablement singulière et significative.

Certes, une jeune fille catholique, par exemple, peut se rendre à la messe chaque dimanche tout en accueillant chaque soir de la semaine un homme différent dans son lit. Mais il s’agit d’une différence entre ses paroles et ses actes. A laquelle l’église a su répondre par la confession, les indulgences, etc.

Ce qui me semble tout à fait formidable dans l’islam de France, c’est que c’est au sein même du discours qu’il y a le péché et la rédemption, le halal et le haram. Le discours de l’islam officiel actuel est incapable de dire clairement aux croyants ce qui leur est possible ou impossible de faire. Il ne le peut plus. Les musulmans de France sont déjà trop pervertis.

Autrement dit, le catholicisme est bien moins mis en danger par une jeune catholique nymphomane que l’islam par un musulman se rendant au Quick halal.

La société de consommation effrénée met considérablement en danger l’islam. Plus que l’église. Plus que la laïcité. Si un islam de France finit par émerger véritablement un jour, ce sera grâce aux multinationales. C’est le libéralisme qui est la cause principale de ce double discours, symbole de la difficulté immense de l’islam a conserver ses interdits et ses préceptes alors même que, par exemple, le ramadan a depuis quelques années fait son entrée à la Maison Blanche, dans les entreprises, sur les affiches publicitaires et un peu partout dans la société.

L’islam peut résister aux autres religions, il peut contourner la laïcité (comme on le voit depuis quelques années), mais il est presque impuissant devant la société de consommation.

C’est pourquoi les décroissants portent, qu’ils en aient conscience ou non, des babouches.

Tout comme les minarets ou le voile, le halal n’est pas un souci en soi. Oui, ce sont des problèmes, mais pour les républicains laïques. Pas pour nous. Non, s’il y a un problème, il est relatif au nombre de musulmans qui sont en France et, le plus souvent, français.

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À propos Blueberry

Il faut pourtant qu’il y en ait qui mènent la barque. Cela prend l’eau de toutes parts, c’est plein de crimes, de bêtise, de misère… Et le gouvernail est là qui ballote. L’équipage ne veut plus rien faire, il ne pense qu’à piller la cale et les officiers sont déjà en train de se construire un petit radeau confortable, rien que pour eux, avec toute la provision d’eau douce pour tirer au moins leurs os de là. Et le mât craque, et le vent siffle, et les voiles vont se déchirer et toutes ces brutes vont crever toutes ensemble, parce qu’elles ne pensent qu’à leur peau, à leur précieuse peau et à leurs petites affaires. Crois-tu alors qu’on a le temps de faire le raffiné, de savoir s’il faut dire "oui" ou "non", de se demander s’il ne faudra pas payer trop cher un jour et si on pourra encore être un homme après ? On prend le bout de bois, on redresse devant la montagne d’eau, on gueule un ordre et on tire dans le tas, sur le premier qui s’avance. Dans le tas ! Cela n’a pas de nom. C’est comme la vague qui vient de s’abattre sur le pont devant vous ; le vent qui vous gifle, et la chose qui tombe dans le groupe n’a pas de nom. C’était peut être celui qui t’avait donné du feu en souriant la veille. Il n’a pas de nom. Et toi non plus, tu n’as plus de nom, cramponné à la barre. Il n’y a plus que le bateau qui ait un nom et la tempête. Est-ce que tu comprends, cela ? Créon, Antigone, Jean Anouilh.

6 réflexions sur « De Al-Qaïda au halal »

  1. Vladimir Vladimirovich

    Sauf que les multinationales s’adaptent beaucoup plus vite aux musulman que le contraire. Le discours consistant à dire que le Coca n’est pas haram mais déconseillé revient à communiquer directement à Quick: « les sandwichs hallal, c’est bien, maintenant ils nous faut les boissons hallal, sinon on déconseillera aux gens de venir ». Soit exactement la logique qui a poussé Quick à ouvrir ses resto hallal. Demain ce sera des menus « charia » qu’ils proposerons. Et les films au cinéma auront un label « coran-compatible ». Comme les près islamiques. Le marketing absorbera tout.

    En plus, c’est facile, c’est écrit!

    1. Blueberry Auteur de l’article

      En fait, ils disent que le coca cola n’est pas haram, certes, mais surtout pas halal. Ce qui m’intéresse c’est pourquoi cette précaution à l’égard d’une boisson contenant de l’alcool alors que c’est un des seuls interdits alimentaires intangible de l’islam ? Pour faire un appel du pied à Quick ou à coca cola ? Franchement ? Non, si tel était le cas, les mecs ils seraient clairs. Ils diraient, le coca cola est haram. Point. A coca cola et Quick de se débrouiller si vous voulez capter le marché des musulmans.

      Or, cela, ils ne le font pas.

      Mon idée c’est que les multinationales s’adaptent au marché musulman mais justement parce que ces derniers sont en réalité déjà adaptés à la société de consommation occidentale de manière irréversible.

      D’ailleurs les petits musulmans des banlieues sont souvent de véritables vitrines de grands magasins.

      Ce que je veux dire, c’est que la folie halal en ce moment n’est pas le signe d’un islam conquérant, mais au contraire d’un islam en difficulté.

  2. Vae Victis

    Vous venez de démontrer en quoi les discours faisant de l’islam un antidote à la mondialisation, à la marchandisation, à l’indifférenciation, sont délirants et complètement à côté de la plaque. L’islam ne s’oppose à rien à tout cela, les pays du Golfe sont devenus en quelques années de gigantesques hypermarchés. Quand encore mosquées et boutiques Cartier ne se voisinent pas dans le même édifice.

    Exemple : « Je préférerais habiter près d’une Mosquée que d’un centre commercial » – Alain de Benoist

    Ce qui est drôle avec ce personnage qui a fait son nid à l’ED, c’est qu’il devient facile de dire quelque chose d’intelligent, il suffit de le contredire.

    Voir l’horloge de la Mecque.

    La tour fait partie d’un complexe hôtelier de 3 milliards de dollars, baptisé Abraj al-Bait Towers, et comptant quelque 3.000 chambres et suites, dont la plupart ouvrent sur la Grande mosquée de La Mecque.

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