Entendez bien, je ne souhaite pas sa mort…on ne se connait pas lui et moi, et j’ai même plutôt du respect pour les types qui gagnent leur combat…c’est juste qu’en me projetant, je vois déjà toutes les pleureuses grecques à son enterrement, les différents chefs d’État, Mugabe en tête, Obama et une flopée d’autres en train de pleurer et d’évoquer le souvenir du grand homme. Le pacificateur, celui qui a mis fin à l’apartheid…J’entends déjà les concerts, le choc pour toute une population mondiale, qui après la mort de Dieu doit affronter celle de Madiba.
J’entends déjà les concerts de Johnny Clegg, Noah et Shakira pour rendre hommage et une chanson de Elton John façon Candle in the wind et puis une autre de Jay-Z…et puis Thuram sur tous les plateaux de télé… Une danse de Jacob Zuma en tenue traditionnelle Zulu. Bref toutes les simagrées d’usage et d’usure alors que le vieux Xhosa, j’en suis sûr, souhaiterait un truc plus discret, dans la tradition de sa tribu…des éditos à n’en plus savoir qu’en faire, ce sera le point de rendez-vous de tous les progressistes et éditorialistes, de tous, sans aucune contestation possible…entendra-t-on ne serait-ce qu’une seule voix discordante, par exemple celle qui rappellera qu’il avait invité à bouffer Charles Taylor avec Naomi Campbell…Je vois déjà les petits yeux écarquillés de ceux qui apprendront que Robben Island n’est pas l’île privée de l’attaquant batave du Bayern Munich mais bien…là où Mandela a passé un petit moment de sa vie…Ce sera l’événement progressiste du siècle, une fête de la musique mondiale doublée d’un cérémonial identique à celui de la mort de Jean-Paul II triplée d’un concert de louanges et d’une tristesse dont le requiem de Mozart ne pourrait qu’à peine rendre le sentiment. Ce sera un moment de communion interplanétaire, prélude à des lendemains qui chantent, et puis des petits Nelson qui vont pulluler aux quatre coins du globe neuf à dix mois après sa mort…
Je hais ces moments, ces instants où nous avons le devoir de nous sentir plus proches les uns les autres et où un type dont tu n’as jamais vu la tronche croit avoir droit, un instant, à ton intimité, à ta solicitude…à partager avec toi son moment de détresse…
Non merci, très peu pour moi, ces moments m’emmerdent profondément…Je me souviens de la mort de Lady Di, trois semaines à bouffer des détails, des biographies à n’en plus finir… car l’autre princesse a décidé de s’enrouler à un poteau sur le pont de l’Alma…
Donc, il va mourir, grand moment d’émotion, tout le monde se donne la main…on vivra dans son souvenir…dans son désir de réconciliation…tout le bordel progressiste habituel…et puis patatra…quelques jours, mois ou années plus tard, la guerre civile comme en Ex-Yougoslavie après la mort de Tito. L’un avait imposé la paix par la force et l’autre par son combat politique, mais au fond l’histoire sera la même, une guerre civile et alors je regarderai avec un petit sourire sur Youtube les belles et creuses paroles dites lors de ses funérailles avec en fond sonore les informations qui raconteront la guerre civile en RSA….
Pour éviter tout cela, je pense qu’on devrait faire comme pour Hailé Sélassié dont la mort ne fut annoncée que quelques mois après le décès officiel, sauf que pour Mandela…il ne faudrait jamais divulguer sa mort…qu’il crève en paix entre les siens et qu’ils l’enterrent dans sa terre natale sans rien ni personne, juste le rite tribal…et que Mandela devienne un personnage de légende dont on perd la trace…et de toute façon c’est bien ce qui va arriver, du moins en partie, car n’en doutez pas, on entendra bien des » Mandela est immortel ».
Vous savez quoi Cherea ? Ce que vous évoquez là d’une plume prophétique m’évoque irrésistiblement les funérailles de Victor Hugo, ce monumental Mardi Gras où les honneurs républicains au titan chantre du progrès, lyre de la perfectibilité humaine et sociale, haut barde de 93 , se mêlèrent à une vertigineuse Grande Bouffe, une phénoménale fête du foutre et des fous comme en reverra plus. Ce fut épique. il faut lire ça dans Barres,Bloy, Daudet, (Léon ) le Journal d’Edmond de Goncourt et qql autres (il y aurait un master à faire sur toutes les versions comparées. Certains ont du lire ça.) Ce furent de prodigieuses agapes, un méli-mélo halluciné de bacchanale et de distribution des prix funéraire. Avec, -une fois passées les excellences règnantes- ouvrant la marche, les délégués des grands rites maçonniques que suivaient, à titre « privé », une longue foirade de loges , des « Sœurs de la Fraternité»,de «la Parfaite amitié toulousaine » à « Isis aux trois marteaux », tous en tabliers pur porc, ornés de compas, de règles, d’équerres, de maillets et de toute l’imagerie kitsch du blason hiéroglyphique, toute la quincaillerie égypto-brocantaille si infiniment chère au cœur de ces grands gosses camés à l’ersatz de symbolique, les très humbles « Princes du sublime secret », « Enfants du Temple suprême » et autre « Chevaliers de l’Aigle et du Pélican » ( quel symbolisme! Christ,prend garde ! Il n’y a guère que les new-ages kabbalistes sauce Hollywood et les païens à triskèle, marteaux de Thor et pacotille runique pour rivaliser dans le ridicule de cette foire au skaï sacré). Les initiés, arborant tous ces barbes redoutables qui furent au radical-socialisme ce que le keffieh est au pro-palo contemporain, étaient suivis de toutes les amicales imaginables, « frères gardiens de la Très Sainte Déclaration des Droits de l’Homme », députations des artisans-ouvriers laïques, délégations de toutes les provinces,des « amis du genre humain » à la société « Écrasons l’infâme », tous les becteurs de saucissons du vendredi saint, des « Instituteurs du peuple-roi » aux proudhoniens, phalanstèristes fouriéristes et représentants saint-simoniens, que côtoyaient blanquistes,«ancien de 48 », ex déportés de l’odieux putsch de 52 (créateur d’un empire trois fois plébiscités … chut !) tous les débris, enfin , de trois révolutions avortées, les ratés, mouchards et manipulateurs d’innombrables complots et « ventes » de Carbonnari, tous les éclopés, restes et reliquats de cent utopies, tous les conspirateurs de 1830 au 4 septembre 1870 (véritable naissance de la république) tous ceux qui avaient conservé un reste de souffle laïque pour chanter l’aïeul passé de la nuit royaliste au grand jour du socialisme humaniste se traînèrent pour fêter le génie des Châtiments,le grand papa gâteaux –ah, l’immortel « Art d’être grand père » – le Shakespeare des Misérables, enfin le gigantesque troubadour de Marianne, seul poète officiel estampillé 89 que nous ayons jamais connu, le rêve irréalisé d’Aragon. La République, pour une fois pas ingrate, alla – cela ma parait toucher au vrai délire- alla, durant toute sa nuit de gloire, le corps exposé sous l’arc de triomphe,(SI !)jusqu’à le faire veiller par 12 jeunes poètes et prosateurs choisis parmi les plus prometteurs du pays (tous si vertigineusement oubliés que pas un seul nom n’a surnagé sur l’océan du temps). En parallèle à cette apothéose, toutes les putains de Paris offraient la cuisse gratuite en souvenir de Fantine (rapporté par Goncourt) tandis que les marchands de vins épuisaient leur réserve, si bien qu’à dix pas des discoureurs costumés, cravatés, légion d’honorisés avec porteurs d’habit vert rendant hommage à l’illustre collègue, on vomissait en bande auprès du panthéon (voir la description de Daudet) et il n’y avait pas que les larmes pour arroser le sol. Tous les apaches souteneurs et gouapes de Paris et des fortifs –quelle escorte mon siècle-avait-deux-ans !- étaient venus avec mesdames célébrer l’aède de Gavroche, fière petite pousse du pavé parisien ; ah, ce fut un jour splendide ! et une nuit… (interdiction fut faite aux flics de troubler les amusements sauf cas graves).
Et bien pour Mandela, hélas, je ne crois pas que ce sera aussi beau, l’orgie restera purement médiatique, orchestrée, le nez dément de Dionysos ne se pointera pas accompagné de frère Carnaval au bras du Roi Bordel, la vraie canaille, tristesse, sera oubliée et n’aura pas le droit d’exprimer son chagrin et sa liesse (car aux larmes de la perte se mêle la joie d’avoir eu un tel monument de la conscience humaine pour contemporain) à sa manière inimitable.
En tous cas Chéréa, belle vision de ce qui va nous tomber dessus. Ave officier ! tu as bien mérité de la garde Prétorienne.
( pour le côté officiel de l’événement :
http://cbaconlettres.over-blog.com/article-les-funerailles-de-victor-hugo-en-1885-37477261.html
Mais cherchez les textes de Daudet, Barres, Bloy, Claudel et autres)
J’ai ma mémoire qui me joue des tours mais c’est pas dans « Le Désespéré » que Bloy, justement, compare l’enterrement de Hugo ou Gambetta, je sais plus… à celui d’un simple chartreux ? La flemme d’aller chercher mon exemplaire… là-bas… dans mon doux bordel. Mais j’en garde une impression incroyable et comique. D’un côté la mise en terre d’un pitoyable Titan… de l’autre celle de l’humilité, avec des mots forts justes et d’une grande profondeur, l’émotion à fleur de peau…
Mémoire borgesiennement juste Nebo! Et c’est en effet un grand moment. Je ne résiste pas à ta suggestion (car je tiens ça pour tel) :
« Il est vrai que les funérailles de Gambetta furent, elles mêmes, une bien piètre solennité en comparaison de l’apothéose de Victor Hugo, que Marchenoir était appelé à contempler, deux ans plus tard.
Cette fois, ce ne fut plus seulement Paris, ni même la France, ce fut le globe entier, semble-t-il, qui se rua sur la piste suprême du Cosmopolite décédé. Le monde moderne, las du Dieu vivant, s’agenouille de plus en plus devant les charognes et nous gravitons vers de telles idolâtries funèbres que, bientôt, les nouveau-nés s’en iront vagir dans le rentrant des sépulcres fameux où blanchira, désormais, le lait de leurs mères. Le patriotisme aura tant d’illustres pourritures à déplorer que ce ne sera presque plus la peine de déménager des nécropoles. Ce sera comme un nouveau culte national, sagement tempéré par le dépotoir final où seront transférés sans pavois, — pour faire place à d’autres, — les carcasses de libérateurs et les résidus d’apôtres, au fur et à mesure de leur successive dépopularisation.
Lorsque Marat eut achevé son ignoble existence, « on le compara, dit Chateaubriand, au divin auteur de l’Évangile. On lui dédia cette prière : Coeur de Jésus, Coeur de Marat ! ô sacré Coeur de Jésus, ô sacré Coeur de Marat ! Ce coeur de Marat eut pour ciboire une pyxide précieuse du garde-meuble. On visitait dans un cénotaphe de gazon, élevé sur la place du Carrousel, le buste, la baignoire, la lampe et l’écritoire de la divinité. Puis, le vent tourna. L’immondice, versée de l’urne d’agate dans un autre vase, fut vidée à l’égout ».
La poésie moderne, devenue l’amie de la canaille, devait finir comme L’Ami du Peuple. Madame se meurt, Madame est morte, Madame est ensevelie, non dans la pourpre ni dans l’azur fleurdelisé des monarchies, mais dans la défroque vermineuse du populo souverain, et voici de bien affreux croque-morts pour la porter en terre. Toute la crapule de l’univers, en personne ou représentée, défilant pendant six heures, de l’Arc-de-Triomphe au Panthéon !
Il eût été si facile, pourtant, et si simple de faire la levée de ce cadavre à coups de soulier, de le lier par les pieds avec des câbles de trois kilomètres et d’y atteler dix mille hommes, qui l’eussent traîné dans Paris, en chantant La Marseillaise ou Derrière l’Omnibus, jusqu’à ce que chaque pavé, chaque saillie de trottoir, chaque balustre d’urinoir public eût hérité de son lambeau, pour le régal des cochons errants !
L’horreur matérielle de cette expiation posthume aurait eu pour effet, du moins, d’émouvoir la pitié du monde. Un immense choeur de sanglots eût brisé, pour quelques jours, la vieille poitrine de l’humanité. Une absolution de vraies larmes fût tombée des yeux des innocentes et des yeux des prostituées, sur l’impénitent Proxénète de l’Idéal, et jusqu’aux âmes les plus courroucées lui eussent fait un meilleur Panthéon de leur éternel oubli !
On a préféré traîner cette dépouille dans le cloaque d’une apothéose démocratique. Profanation mille fois plus certaine, parce qu’elle s’est accomplie sur le cadavre intellectuel, et qu’elle est sans espérance de repentir !
L’auteur des Misérables ayant absurdement promulgué l’égalité du Bras et de la Pensée, le Bras imbécile a voulu tout seul manifester sa reconnaissance et l’âme flottante du poète a dû s’envoler, en gémissant, hors de portée de cet hommage.
Les bataillons scolaires, les amis de l’A. B. C. de Marseille, la chambre syndicale des hôteliers logeurs, les francs-tireurs des Batignolles, la Libre Pensée de Charenton. le Grelot de Bercy, la Fraternité de Vaucresson, le choral des Allobroges et l’Espérance de Javel ; les chefs des rayons du Printemps, les contrôleurs de l’Eden-Théâtre, les orphéonistes de Nogent-sur-Vermisson et la corporation des clercs d’huissier ; les cuisiniers, les herboristes, les fleuristes, les fumistes, les dentistes, les emballeurs, les plombiers, les brossiers et « tout le commerce des os de Paris » : tels furent, avec deux cents autres groupes non moins abjects, les convoyeurs au gâteau de Savoie de ce mendiant trop exaucé de la plus anti-littéraire popularité.
Victor Hugo était parvenu à tellement déshonorer la poésie qu’il a fallu que la France inventât de se déshonorer elle-même un peu plus qu’avant, pour se mettre en état de lui conditionner un dernier adieu qui fît éclater, comme il convenait, — en l’indépassable ignominie d’une solennité de dégoûtation, — la complicité de leur avilissement. » (Le désespéré)
Je ne sais pas si dans le cadre de ton travail autour de Bloy tu as appuyé son aspect comique et hilarant, mais je me souviens que nous en avons déjà parlé. Moi je lis, derrière ses vociférations, au père Bloy, un comique redoutable… de lire des lignes comme celles-là, je m’en tamponne la bidoche d’une rigolade désespérée justement, tellement le bonhomme il nous décrit tout ça avec une superbe d’écrivain authentique. L’est possédé le mec… j’sais pas si c’est par l’Esprit Saint ou Malsain(t)… ^^… mais par des fulgurances du Verbe à coup sûr ! Il envoie du bois… ça dépote sévère… le garçon il avance pas au Kärcher mais au lance-flamme. Et bien que ça rigole… ça rigole pas du tout par en-d’sous. Est-ce que le zigue donnait dans l’humour conscient ou pas ? Ses « Lieux communs », déjà, quand il en fait une exégèse, y’a des moments où j’ai failli me pisser de rire dessus en les lisant.
Ah là, là ! Mes aïeux, mais ce fut Mon sujet ! Mes premiers travaux sur notre homme portaient précisément sur l’ironie chez Bloy. Et par « ironie » j’entendais (pas seulement bien sûr)le recours à un humour énorme, colossal . Je prenais entre autre « ironie » au sens de l’eiron kierkegaardien dans son premier livre « Le concept d’ironie constamment rapporté à Socrate ». L’eiron est agonistique, posture de Bloy. L’humour vise à détruire, mais aussi à mystifier le discours, donc à revitaliser le signe en lui rendant un statut qui cesse d’être figé. Ah oui, j’ai travaillé le rire chez Bloy,il y a d’ailleurs un article de Sarrazin formidable là dessus »Le rire noir de l’exégète des lieux communs ». Bien sûr que Bloy fait rire il l’a voulu : ne pas oublier que Bloy se réfère comme modèle à Rabelais, et Rabelais c’est un rire bien plus subtil qu’on pense même s’l ne néglige surtout pas la grosse blague. C’est aussi un sacré chrétien, ancien moine franciscain, très, très proche de l’Evangélisme et d’Erasme -aucun des deux hommes ne suivra Luther à cause du libre arbitre. Mais ceci pour dire que lorsque Bloy déclare que « sa forme est consanguine de Rabelais », ça ouvre à des paliers de sens qui donnent sur rire et théologie. C’est tellement évident que Bloy est drôle, très drôle! Valéry lisait Bloy en riant, et on se trompe grandement quand on ne lit cul coincé compassé. on se pisse dessus effectivement, et c’est bien pour ça que je l’ai choisi au départ, je voulais justement casser la statue figée qui en fait une sorte de prophète toujours furibard. Alors qu’il adorait rire, qu’il fut un excellent ami d’A.Allais.Ce n’est certes pas pour rien qu’il fit ses débuts au Chat noir et y resta longtemps. Un témoin -Maurice Donnay du Chat noir- écrit que de Allais et de Bloy « le véritable mystificateur c’était Bloy » (c’est ainsi qu’il fait semblant d’engueuler un copain du Chat noir, or ça ressemble trait pour trait à ses attaques « sérieuses ». « Furibard », mais parfois « pour de rire ».) et que c’était Bloy qui riait le plus souvent et le plus fort. Donnay raconte comment ce rire résonne encore dans ses oreilles. Ah que je suis content que tu dises ça!encore une fois,c’est une pensée pareille qui a guidée ma maîtrise, le rire chez Bloy, d’autant plus capital que pour lui l’Apocalypse éclatera dans un grand … éclat de rire. Voir « Celle qui rit », il était obsédé par cette formule biblique : »Elle rira au dernier jour ». Donc on peut rattacher aisément son rire, son humour ironique à sa symbolique, ça n’a rien d’artificiel, bien au contraire, c’est réellement lié ontologiquement, théologiquement.. Mais ça n’enlève aucunement la force disruptive de ce rire. Il s’agit pour Bloy de casser la doxa par l’emploi du grotesque, de l’incongru. Comme l’essentiel est « de faire sentir la présence du MYSTERE »(lettre à P.Jury), faire tanguer le statut du sens, sortir le mot de sa réification c’est redonner au langage le sens du mystère, de l’indéterminable, tout un pan essentiel de l’ironie bloyenne se dévoile par ce questionnement.Dans « Mystificateur » il y a mystique, et il s’agit en effet de mystifier le langage, d’en brouiller la réception en forçant les contraires à cohabiter /douleur et rire, tragique et comique.Ne pas oublier aussi que l’idée de la mort de Dieu rode chez Bloy. Après le songe tragique de Jean Paul (Le christ ne retrouve plus Dieu) et « La bonne nouvelle de la mort » d’Herzen, c’est aujourd’hui »la bonne nouvelle de la Damnation ». La umière de la science donne sur un gibet… :
« Ils se sont tenus debout, au pied de la Croix, depuis la sanglante Messe du grand Vendredi, — au milieu des ténèbres, des puanteurs, des dérélictions, des épines, des clous, des larmes et des agonies. Pendant des générations, ils ont chuchoté d’éperdues prières à l’oreille de l’Hostie divine, et, — tout à coup, on leur dévoile, d’un jet de science électrique, ce gibet poudreux où la dent des bêtes a dévoré leur Rédempteur… Zut ! alors, ils vont s’amuser ! » (Désespéré).
Je regrette que dans la Femme pauvre il ait mis un peu une sourdine, moins d’ironie essentielle,malgré une très forte présence du (encore que…, mis une sgrotesque :voir ce que ça entraîne au niveau du sens,ce qu’entend Bakthine pour le grotesque, le carnavalesque et l’importance du rire) mis une sourdine disais-je à cette veine capitale chez lui, et qui est au coeur du Désespéré, de l’Exégèse des lieux communs, des Histoires désobligeantes sans parler de Belluaires et porchers (mais dans la critique c’est évidemment plus attendu, la satire comme attaque). Toute une partie de mes derniers travaux porte sur le grotesque bloyen, ce qui rejoint le rire. C’est carnaval chez Bloy, fête des fous dans ce Paris fin de siècle, nouvelle image de Babylone. Et puis chez Bloy tout est double, Paraclet/Lucifer se confondent, ils s’opposent mais sont « mystérieusement » liés, voir confondus; l’esprit saint « sous un travestissement inimaginable » est aussi Lucifer-celui d’avant la chute mais ça reste ambiguë. Et « Celle qui pleure » est aussi « Celle qui rit » et rira au derniers jour. Dieu use avant tout d’ironie,Bloy l’a écrit! Et a défini son écriture comme de l’ironie « tire-bouchonnée, cadenassée, à triple et quadruple compartiment » (correspondance).Ceux qui oublient ça en le lisant manquent qql chose… C’est aussi quand même l’homme qui, une fois vidé sa hotte d’injures déclare « on ne sait pas qui sont les boucs et qui sont les agneaux ». »Nous ne savons pas qui nous sommes ». , le problème de l’identité est au cœur de l’œuvre bloyenne, et ce mystère de l’identité doit se retrouver dans le langage, d’où l’importante du rire, d’une écriture qui se lit comme doloriste ET déclencheuse de rire. Le statut du signe vacille, le grotesque et le sublime se confondent comme le Paraclet et Lucifer .
Mais je me tais, tu m’emmènes vers de très chers terrains et je n’en finirai plus.J’ai écrit à toute vitesse, d’enthousiasme, et ça ne doit pas être bien clair. En tous cas, merci de le faire voir, d’aider à sortir Bloy de sa légende stupide : Bloy est drôle, hénaurme (orthographe Flaubert)et c’est voulu chez lui. D’ailleurs tous ses amis ont gardé le souvenir d’un homme souvent très gai. Se défier de Bloy lui-même « sculpte » un peu sa statue dans le Journal.
Et c’est aussi ça que j’ai voulu montrer, qu’il se déguisait –encore une mystification, mais il a fini par s’y prendre.
Ah là là,en plein cœur Nebo!
Ps rappelons aussi que Bloy est un des tout premier découvreur de Lautréamont –si terriblement drôle- et surtout que c’est lui qui, le premier, a cité le fameux « beau comme la rencontre, sur une table de dissection, d’une machine à coudre et d’un parapluie », que Breton lui piqua sans barguigner ; comme il détestait le catholicisme de bloy, pas question de rendre à César… Mais Bloy avait parfaitement compris la force du grotesque, de l’incongru qu’apportait Lautréamont.Qu’il cite dans le Désespéré.
Ps 2 « ll faut inventer des catachrèses qui empalent, des métonymies qui grillent les pieds, des synecdoques qui arrachent les ongles, des ironies qui déchirent les sinuosités du râble, des litotes qui écorchent vif, des périphrases qui émasculent et des hyperboles de plomb fondu » (Propos d’un entrepreneur en démolitions)
et
« … je suis un poète, rien qu’un poète… je vois les hommes et les choses en poète comique ou tragique et par là, tous mes livres sont expliqués »
je n’ai pas les textes sous que vous évoquez sous la main…et puis en lisant votre commentaire…j’ai cherché rapidement dans le XIXème siècle à travers les âges de Muray s’il évoquait la chose…et je ne crois avoir rien trouver alors qu’il parle beaucoup de Hugo et des délires des socialos-occultistes et je pense qu’un passage sur les funérailles d’Hugo s’imposait dans cet épais livre un peu confus…mais je n’ai rien trouvé…peut-être ai-je mal cherché…
» dans cet épais livre un peu confus »
Je te remercie au passage de ce non-hommage à ce livre. Attidude trop rare hélas dans la réacosphère, assez pour être souligné. Non pas qu’il soit sans intérêt, bien entendu, mais il était selon Muray lui-même un simple ouvrage de transition, »épais et un peu confus », en effet, ce qui est la loi de ce genre mineur qu’est l’essai universitaire…. ue transition qui n’avait pour but que d’arriver aux choses sérieuses et véritablement profondes, c’est à dire les chroniques d’actualité qui font marrer, qui étaient une fois sur deux des chroniques télé… « J’ai vu Martine Aubry à la télévision et elle à dit, etc… »
Le fait que tous ses admirateurs en font son livre-maître dit tout du malentendu sur lequel repose en grande partie leur admiration… Malentendu d’ailleurs tout à fait normal: « au delà du centième exemplaire vendu, il y a forcèment malentendu », disait je ne sais plus qui (Bataille, peut-être…)
Da, ça s’imposait mais il n’en a pas parlé, peut-être parce que le livre est « confus ». Ca reste un très bon bouquin, bien qu’XP ait raison quand il dit que le meilleur Murray, l’original, n’est pas là. C’est qu’il a oublié quelques titres dans sa biographie le père Philippe! Je ne liste pas ici, mais croyez moi, il y a des « oublis » frappant et même un peu…dérangeant côté probité. Enfin « que celui qui n’a jamais péché »…
Sinon, pour les textes dont je parlais, the piste:
http://books.google.fr/books?id=h4q-F5eMMKcC&pg=PA133&lpg=PA133&dq=funéraille+de+Hugo+barres,+Dau
voir notamment la note bas de page n°deux, et le texte aussi, des funérailles de Blanqui à celles de Totor de Notre-Dame,dit Le barbu de Hauteville house.
« communion mystique d’un peuple »…
Ah oui, c’est un oublie au carré vu le sujet. »Je demande une prière à chacun et refuse celles de toutes les Églises. Je demande le corbillard des pauvres », sacré comte Victor Marie! Le corbillard des pauvres,ben tiens ! Il laissera plusieurs millions de l’époque, une fortune(croquée avec une rapidité impressionnante par son petit fils, Georges, premier viveur de l’époque et copain de Léon Daudet).
Et toutes mes excuses pour avoir campé dans votre fil. Mais une petite partie rejoint le sujet : la récupération par funérailles avec extase lacrymale – spécialité républicaine reprise par le monde entier, vous m’avez poussé à remarquer ça.
Pardon …si vite : « Je regrette que dans la Femme pauvre il ait mis un peu une sourdine, moins d’ironie essentielle,malgré une très forte présence du grotesque…Voir ce que ça entraine etc ».
La femme pauvre perd un peu à mes yeux de l’énergie incroyable du verbe bloyen, la présence du rire en creux, le reflet « oblique » du regard dans l’écriture
cf P.Hamon l »L’Ironie littéraire. Essai sur les formes de l’écriture oblique ». ET Pierre Schoentjes, « Poétique de l’ironie » formidable et pas cher, en poche.
http://www.fabula.org/revue/cr/180.php
Il y a de l’excellent, hélas sous forme d’articles… Mais l’ironie est bien plus qu’une figure de style, ça touche à la théologie et à la philosophie. quand aux effets de langue, les jeux sur l’énonciation qu’elle permet, -ne pas oublier la graphie italique, guillemets, majuscules etc- ils sont vertigineux. Un discours peut se dénoncer lui-même jusqu’à l’absurde ou du moins l’indécidable. Or Bloy adore ça, et les lectures uniformes flinguent la compréhension. Pour ceux qui pensent que c’est subjectif, je signale que ça se prouve,(toujours fond et forme ensemble puisqu’ils sont inséparables) par l’étymologie, l’emploi du lexique, les connotations, l’étude des figures, des retours d’images, des récurrences stylistiques, des torsions rhétoriques toujours dans un sens précis, souvent syntaxiquement soulignables, et bien d’autres méthodes(comparaison avec l’œuvre entière, la correspondance,les envois et dédicaces qui peuvent être éclairants même les interview, étude micro macrostructurales, voir génétique des textes-que je n’aime pourtant guère-) tout ça n’est pas de l’impressionnisme.Bien qu’évidemment on ne soit pas en science dures,n’empêche que les meilleurs spécialistes d’un auteur s’accordent sur ce qui est valable ou pas.Soit dit en passant, par fatigue sûrement…
Et Mandela, ça va? Y aura-t-il un Bloy pour nous ironiser satiriser le niagara lacrymal qui se prépare?
Cherea, vous avez oublié l’inévitable « sage de l’Afrique »; c’est joli comme expression, ça fait gentil griot à la barbe blanche en boubou qui raconte des histoires au coin du feu. Les bobos raffolent de ça, et ils n’oublient jamais d’ajouter: « tu sais qu’on dit en Afrique que lorsqu’un vieux meurt c’est comme si une bibliothèque brûlait ». Insupportable.
« tu sais qu’on dit en Afrique que lorsqu’un vieux meurt c’est comme si une bibliothèque brûlait »
A défaut d’avoir inventé l’écriture, c’est logique. 🙂
En Afrique, quand un vieux fait caca, c’est une usine à engrais qui ouvre.
le plus con, Cherea, c’est que peut-être vous mourrez avant lui.
C’est bête la vie!
On va faire en sorte que non et je vais même essayer de lui survivre le plus longtemps possible et pourquoi pas l’immortalité, ça me botte bien , sinon vous n’auriez plus l’heur de commenter les modestes articles d’un contributeur d’ILYS…
A ce propos, il aura l’heur de commenter les modestes articles d’Ilys que s’il n’oublie pas la règle: deux aneries par fils, pas une de plus, sinon, bouton magique, et définitif, cette fois.
les formules d’Ilys changent, mais les principes demeurent.
Mais lui, au moins, aura été vivant.
Celle qui risque d’être assez hallucinante, c’est celle de Johny. De JMLP aussi, mais par effet inverse.
L’annonce de la mort de JMLP s’était propagée sur Twitter, ils faisaient la fête rue des Rosiers.
Oui, oui, il y aura des cris de joie, des fêtes, etc..Mais après ? Quid de la lutte antifas ? Bien sûr nous aurons droit aux « rester vigilant » « pas à l’abri d’un retour de la bête » « continuer le combat » « idées toujours vivantes », mais ça sonnera tellement vide, nombreuses dépressions à prévoir, journalistes dépités, politiques aphasiques. Ah les reportages sur la bio de JM ! Ça risque d’être assez terrible ensuite, ils voudront se nourrir d’autre chose, internet, je ne sais quoi…Ils vont tellement le regretter neuneuil, ça va virer tout de suite au radotage « moi j’ai manifesté en 2002, oui, vous les jeunes vous ne savez pas ce que c’était »..La fin d’une époque de merde pour une autre..D’ailleurs plus il y aura de cris de joie, plus ça sentira l’hystérie du vide..Une forme de trouille..Vite vite retrouver de la bêtimmonde quelque part !
Enfin, folklo, quoi, moi je me régalerai des déclaration des politiques, mais à mon avis, beaucoup vont s’abstenir, minimum, « rester digne » « gagné une bataille pas la guerre »..
Si tu avais un peu de culture générale, tu saurais qu’on écrit Johnny,pas Johny (Prononcer Jauni, pour que le fan de base comprenne de qui il s’agit… A ne pas confondre avec Verdi)
Que le vrai fan de Jauni est analphabète, qu’il s’en fout de l’orthographe. Que Joni fait partie d’une culture orale.
que orale, mais que si tu veux, que tu peux lire quand même les paroles des chansons sur la pochette… Wauak en waulle!
lacune corrigée, merci pour le rappel
Nan mais… les gaulois qui se sont fait coloniser par les Romains… ma foi ça nous a fait du bien. 😀
Restif, thanx pour la réponse… langue de feu et passion écarlate.
C’est vrai que deux âneries par fil, XP, c’est bien moins que ce que vous savez faire!
Vous c’est des âneries à chacun de vos pitoyables commentaires.
Pas tarés: primitifs.
D’ailleurs, vous avez assez raison de mettre sur un pied d’équivalence les vieux celtes de la gaule antique et l’afrique d’aujourd’hui.
Vous m’éclairez
« On sait aujourd’hui qu’il existait par exemple une université islamique à Tombouctou qui a produit une quantité invraissemblable de manuscrits »
C’est d’ailleurs pour ça que Tombouctou est la concurrente directe de NY pour le leardership mondiale.
ça fait penser aux obsèques de cette vieille crapule de hafez el hassad
oui vous vous souvennez ; le dictateur syrien (et non cyriaque)
tout ced que le monde compte de crocodiles était venu se recueillir sur la tombe de la crapule
même chirac c’est dire !
trop la pétoche qu’on prenne mal l’absence des corrupteurs associés….
pour soljetnitsine par contre……..
enfin camus dans l’étranger dit à peu près ça « il faudra qu’il y ait beaucoup de gens crachant sur mon passage »
un peu ce qui s’est passé pour le christ en somme….