Massimo Carlotto: L’immense obscurité de la mort.

La vie de Massimo Carlotto est marquée par son expérience de la justice italienne et de l’injustice. Expériences qui marquent son écriture. Massimo Carlotto est né dans la ville de Padoue en 1956. Secouée dans les années 70 par des attentats des groupes d’inspiration d’extrême gauche, l’Italie traverse une période trouble connue sous le nom « des années de plomb ».  Idéologiquement orienté à gauche, Massimo Carlotto rejoint le groupe « lotta continua » durant ces terribles années. En 1975, à 19 ans, il est accusé du meurtre d’une jeune fille lardée de 59 coups de couteau dont il a découvert le corps. Il est condamné à 18 ans de prison malgré son innocence. L’histoire de Massimo Carlotto se transforme au fil des ans en véritable cas judiciaire. Dans cette affaire, Carlotto affronte 11 procès, purge 6 ans de taule et 3 années de cavale. Il est définitivement gracié en 1993 par la présidence italienne. Cette terrible expérience de la justice italienne, l’a consumé de l’intérieur et nourrit son œuvre. La justice est un élément fondamental dans ses romans et notamment dans l’immense obscurité de la mort. Les romans de Massimo Carlotto, tous emprunts de cette injuste expérience, sont narrés dans un style haletant et incisif, toujours cynique, qui pourfend les certitudes morales et idéologiques de l’Italie d’aujourd’hui. Le travail d’enquête effectué par l’auteur pour chacun de ses romans est possible grâce aux amitiés qu’il a liées en prison et souligne sa position inédite par rapport aux autres écrivains actuels de littérature criminelle. En ce sens, il a indéniablement insufflé une nervosité nouvelle à la fiction policière de langue italienne, au point d’être considéré par la critique comme « un cas littéraire » tout comme il fut un « cas judiciaire ».
Il vit aujourd’hui à Cagliari, collabore à divers quotidiens nationaux. Il a également composé des chansons et a aussi écrit pour le théâtre.
Le livre s’ouvre sur cette citation de Rafael Sànchez Ferlosio qui donne le ton du roman:

« Il y a des justiciers qui, si la science le rendait possible, prolongeraient de 1000 ans la vie des rois, afin qu’ils arrivent à purger les 1000 ans auxquels ils ont été condamnés. D’ailleurs, Dieu ne l’a-t-il pas déjà fait, qui a jeté les bases de l’éternité de façon que les réprouvés puissent pâtir éternellement des peines de l’enfer ? »

On comprend tout de suite qu’il est question de vengeance. Mais dévoilons un peu plus l’intrigue de ce roman.
Deux gangsters braquent une bijouterie et prennent en otage une femme et son fils qui sont tués au cours de l’opération. Un des deux braqueurs est appréhendé pendant que l’autre s’enfuit. Il écope d’une lourde peine de prison. Silvano Contin, père et mari des victimes perd tout du jour au lendemain : sa femme, son fils, il démissionne de son lucratif emploi dans le vin, se coupe de ses parents et déménage à l’autre bout de la ville et cherche à s’oublier dans le travail et l’alcool. Un retour à la vie normale est alors impossible pour lui.
15 années après les faits, le prisonnier atteint d’un cancer incurable formule un recours en grâce. Cependant pour que ce recours en grâce soit valable, il faut selon une disposition de la loi italienne que Silvano Contin accorde formellement son pardon au criminel qui a ruiné sa vie. Or depuis 15 années, une idée fixe agite cet homme brisé et hanté par les dernières paroles de sa femme : retrouver l’autre responsable de ce carnage qui lui a enlevé toute possibilité de bonheur, nom que a toujours refusé de donner le criminel incarcéré. Dès lors, Silvano Contin va tenter de monnayer son pardon contre le nom de l’autre braqueur qu’il s’est juré de retrouver.
Tout est alors en place pour que la tragédie se déroule de manière implacable, tragédie narrée par les différents protagonistes de cette histoire. La narration est en effet assez originale puisqu’elle alterne les points de vue du prisonnier et de Silvano, qui parlent tous les deux à la première personne. Plusieurs thèmes et questions sont présents dans ce roman crépusculaire : avoir été victime nous autorise-t-il à devenir bourreau, un homme mauvais peut-il changer, le code de l’honneur est-il toujours d’actualité parmi les gangsters, peut-on tout pardonner…..
Toutes ces questions s’agitent dans ce roman à l’écriture sèche, serrée. La vision de l’auteur sur l’Italie contemporaine est désabusée, ses héros ne sont ni tout noirs ni tout blancs. Le criminel peut devenir touchant, les victimes peuvent s’avérer être des ordures, les bons flics peuvent se laisser tenter par la corruption. Massimo Carlotto dans ce roman brouille les repères et c’est assez jouissif d’avoir un roman qui sort de la didactique Bien/Mal.
L’immense obscurité de la mort est un excellent polar, désespéré mais illuminé d’une lumière noire glaçante qui ne laisse pas le lecteur indifférent à cette sombre histoire de justice et de vengeance.

Je conseille l’édition Métailié, soignée et agréable.

11 réflexions sur « Massimo Carlotto: L’immense obscurité de la mort. »

  1. lettow

    « Le travail d’enquête effectué par l’auteur pour chacun de ses romans est possible grâce aux amitiés qu’il a liées en prison et souligne sa position inédite par rapport aux autres écrivains actuels de littérature criminelle. En ce sens, il a indéniablement insufflé une nervosité nouvelle à la fiction policière de langue italienne, au point d’être considéré par la critique comme « un cas littéraire » tout comme il fut un « cas judiciaire ». »
    C’est sûr cela doit contrasté avec votre style plus que laborieux !
    « On comprend tout de suite qu’il est question de vengeance. »
    Eh bien il est inutile de le dire alors !
    « Tout est alors en place pour que la tragédie se déroule de manière implacable, tragédie narrée par les différents protagonistes de cette histoire. La narration est en effet assez originale »
    Et la votre narration elle est plus que laborieuse… Et puis une tragédie implacable, c’est un peu comme une nuit obscure, hein ?
    « es héros ne sont ni tout noirs ni tout blancs. Le criminel peut devenir touchant, les victimes peuvent s’avérer être des ordures, les bons flics peuvent se laisser tenter par la corruption. Massimo Carlotto dans ce roman brouille les repères »
    Oh la la les héros ne sont pas ou tout noir ou tout blanc ! La vache c’est vachement original ! Personne n’y avait jamais pensé avant ! Par ex Gargamel dans les schtroumpfs il est tout le tant méchant et là le méchant il peut être gentil ! Ouaou c’est super je courre l’acheter et le lire !
    Bon franchement on dirait de la mauvaise fiche de lecture de lycéen ou bien sur radio courtoisie quand la neuneu de 16 ans animait le journal des lycéens…
    Mais là on est sur un blog d’élite merde ! Qu’est ce que c’est que ce truc minable !
    Pour le prochain vous allez nous vantez Fred Vargas ou Cesare Battisti ?

  2. Vae Victis

    J’aime bien, c’est instructif pour qui n’y connait rien. Ca donne des pistes, comme une pelote de laine qu’on déroule. Ensuite oui un peu trop d’adjectifs comme ici : « L’immense obscurité de la mort est un excellent polar, désespéré mais illuminé d’une lumière noire glaçante qui ne laisse pas le lecteur indifférent à cette sombre histoire de justice et de vengeance. » Le dernier n’était pas nécessaire. Mais c’est assez secondaire quand on tiendra le livre en mains.

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