Il m’a fallu du temps – le temps que la tempête en moi s’apaise (le temps nécessaire au pardon*) -, mais j’y suis quand même venue. Cela faisait un bail que me taraudait l’idée de faire – même différée – une réponse en bonne et due forme à l’article de Pierre Schneider de Surlering qui a suscité la disputatio au terme de laquelle le petit « Déca » est entré en transe, m’a censurée, bloquée, a fermé les commentaires sur le sujet et menacé Ilys de représailles si je m’avisais d’y poursuivre le débat. Le billet en question s’intitulait « Réacosphère : underground zero » – quelques uns doivent s’en souvenir : Blueberry avait lui-même fait part céans de son point de vue sur la chose. Monsieur Schneider avait en effet provoqué un certain remous dans le milieu intéressé, ce qui n’a rien d’étonnant dans la mesure où il citait nommément une bonne petite vingtaine de bloggers célèbres, forcément avides, de par leur activité internautique, de chamaille et de googlelisation, capables chacun de charrier avec lui un lectorat important d’une qualité nettement supérieure à ce à quoi est habitué Surlering. Pour cela, je ne pense pas trop m’avancer en prétendant aujourd’hui que le succès dudit article eut moins à voir que certains le prétendirent avec la supposée originalité de son propos, qu’avec l’emploi de certains procédés de nature publicitaire… c’est-à-dire fort peu à voir, en définitive, avec le talent de l’auteur, et par extension avec celui du cast(rat)eur de talents qui lui avait passé bague au doigt, et mis sa muse au balcon. Mais cette interrogation coupable – coupable pour ainsi dire de lèse-mégalo – n’engage que moi, bien sûr [je ne souhaite à personne de devenir l’objet de la redoutable ire de sa Majesté-des-Déca].
Assez rignassé, place au théâtre.
SCENE PREMIERE
(P. Schneider, Millie, Déca)
(Un poids léger seul au milieu du Ring, encouragé par son entraineur, fait une démonstration de boxe à vide en se frappant la poitrine, pendant que son adversaire est ligoté et baillonné sur un tabouret dans le corner)
PIERRE SCHNEIDER : (fort, prenant Déca à témoin) Quand on pense que pour ces gens, s’élever c’est juste sortir de la zone mainstream… être les plus fachos ! J’ai envie de dire : « lol ».
Quand on pense que chez eux, en matière de qualités humaines, c’est la culture, ou plutôt l’érudition, qui font la différence ! Ils n’ont vraiment rien compris…
MILLIE : (silentieusement pour elle-même, car baillonnée) Oui, s’élever c’est encore aujourd’hui sortir de la zone mainstream. Parce que ça l’a toujours été, et que bien que nous prétendions à dépasser nos maîtres et nos parents, nous ne le ferons pas autrement qu’ils ont eux-même dépassé les leurs.
Oui, il s’agit encore aujourd’hui pour la jeunesse de faire un pas de côté.
Oui, il se trouve, pour l’heure, qu’en matière d’esprit, le plus brillant est quasi toujours le plus facho. En d’autres temps ce fut le plus doux, aujourd’hui, parce qu’il nous faut percer au travers de la mollesse de la décadence, c’est le plus dur. Il nous faut démontrer que nous pouvons – que nous avons le droit, même – de survivre, et ensuite seulement – éventuellement – nous exprimer. Telle est la loi des temps actuels.
De même, c’est de façon immuable, que la culture et l’érudition, parce que celles-ci ont vocation à se faire la conscience, le miroir réflexif, de chacun de ceux-là, furent, sont, et resteront l’apanage des hommes capables de se hisser au-dessus de la médiocrité spécifique de leur siècle. La culture et l’érudition uniront toujours ensemble, par-delà l’histoire, dans une même communauté d’esprit sublime, les quelques rares Eternels contre la majorité des vulgaires, et c’est ainsi, toujours, qu’ils trouveront la force et le courage de continuer à se distinguer de leurs contemporains.
PIERRE SCHNEIDER : (gesticulant à l’intention de son public, quelques oeillades glissées subrepticement à son entraineur pour s’assurer de son soutien) En plus ils disent comme ça : « on lit la réacosphère parce qu’on a un background ouvert »… c’est un comble ! Dustan avait raison : les cons ça ose vraiment tout. De la part de gens aussi intolérants, raciste, obsessionnels et butés, je veux dire, c’est quand même l’hôpital qui se fout de la charité !
MILLIE : (toujours baillonnée) Oui, on lit la réacosphère parce qu’on a les idées larges, de l’esprit critique en excès au regard du nihilisme généralisé contemporain, et surtout aucun sacrifice à offrir au monde moderne 2.0, en matière de liberté de conscience, en matière de cette chère liberté qui est l’apanage de notre race, et qui sera toujours la seule et unique voie de salut accordée à elle par le Tout Puissant.
Oui, l’intolérance aujourd’hui a changé de côté. Aujourd’hui, si l’on examine dans quel camp les mesures du type excommunication et vocation aux gémonies – médias et associations en tête – négatrices de la vie privée, sont le plus pratiquées, la « bête immonde » ne semble plus se trouver du côté des tradis, ni de celui des païens, ni même de celui de la vieille droite souverainiste/gaulliste « à la papa ».
—> Cf une étude réalisée par Anne Muxel (directrice de recherche au CNRS en science politique) consacrée aux couples et à la politique, au terme de laquelle celle-ci conclut que les personnes aux idées dites de gauche ont beaucoup plus de mal à accepter un conjoint ayant des opinions politiques différentes.
LIEN : http://www.fdesouche.com/5298-la-tolerance-une-valeur-de-droite
Extrait : «Ca a été une surprise pour moi dans la mesure où les valeurs de tolérance, de respect de la différence, du respect de l’autre font partie d’une culture revendiquée par la gauche. Il y a une plus grande difficulté pour les personnes qui se classent à gauche d’accepter la divergence politique dans la sphère privée…».
La laïcité aujourd’hui semble être la seule valeur ayant autrefois appartenu au corpus idéologique de « la gauche » traditionnelle, à faire encore l’objet d’un sabotage systématique de la part de l’idéologie dominante… [LIEN : http://www.fdesouche.com/116786-les-ultra-laics-vers-lextreme-droite] A cela rien d’étonnant, à l’heure où la tolérance elle-même, vidée de sa substance, pour ainsi dire fossilisée dans une armature Benetton, devient la « religion d’après », c’est-à-dire une infra-religion d’après la religion. Rien d’étonnant dans un monde où ceux qui en 68 ont assassiné la morale, se prennent aujourd’hui pour des saints et exigent pour leur consortiums associatifs, recouvrant la France ainsi qu’un rouge manteau de chapelles subventionnées, le privilège de déterminer envers qui il s’agit d’être tolérant ou pas.

"Religion d'après" (pour rester poli)
SCENE 2
(Millie seule en scène, monologue)
Nombre des miens sont comme moi. Ils ont un jour viré de bord, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas des anti-antiracistes et des Bloyens par nature, mais, bien au contraire, ils viennent de la gauche ; et c’est pourquoi, loin de coller aux prêt-à-penser que leurs ennemis savent seuls employer pour les décrire, ils connaissent intimement les individus, idiots utiles, qui alimentent de leur bonne volonté la médiocrité et l’hypocrisie des ersatz d’idéaux supposément « de gauche » que la société marchande et spectaculaire cherche à leur vendre pour se maintenir. C’est-à-dire que « les miens » se sont sentis victimes, enfants, d’une enrégimentation néfaste et forcée. Une enrégimentation qui offensait leur cœur et leur intelligence – carcan étroit, mesquin, vouée à ne façonner que des suiveurs serviles, des couards opportunistes, des bons samaritains à la petite semaine, et des apparatchiks en puissance, et à les maintenir éternellement dans l’ombre d’une génération précédente tellement plus charismatique et libérée. C’est ainsi que, empruntant des sentiers épineux – les sentiers de « l’A Rebours » – par Bloy ou Céline déjà foulés, ils se sont sentis dignes de peindre le visage de ces défricheurs sur leurs blasons. Tant ils se sont souvent retrouvés seuls en la compagnie virtuelle des grands auteurs et de leurs héros mythiques face au réel trop désespérant de leurs supposés proches « bienintentionnés », ils les ont élus, en secret, leurs frères de peines. Ils ont fait des Rebatet, des Drieu, leurs amis imaginaires… Aussi leur révolte n’est pas d’emprunt. Elle n’est pas arbitraire, elle n’est pas une posture. Ce ne sont pas de simples « intellectuels engagés » à la Sartre. Car autant il est vrai de dire qu’ils ont choisi leur camp, autant il paraît évident que c’est aussi leur camp – tel un fardeau – qui les a choisis.
A présent, il faut comprendre qu’ils sont aussi – de par le poids du tragique de leur histoire individuelle – devenus ce qu’on appelle des hommes de convictions. Ils se sont dévoués à une quête. Quel homme d’honneur, enraciné, ayant donné sa fidélité à un parti-pris existentiel quel qu’il soit, ne perdrait par tout ou partie de sa crédibilité à en changer tous les quatre matins, au gré des contingences, même sous prétexte d’être tolérant, ou humble, ou d’être un roseau pensant, ou même « d’enfanter une étoile nietzschéenne qui danse au petit matin »?
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Un homme incapable d’ériger de façon stable et déterminée, au mépris du chant des sirènes, un code de valeur à la loi duquel il sache soumettre et conformer son chaos intérieur, est un homme que la société considèrera toujours (à raison) comme « sans valeur », et, ce qui est plus grave, lui-même ne pourra pas se voir autrement.
Aussi, comme vous le dites, nous sommes devenus intolérants, racistes, obsessionnels et butés, mais c’est là notre force, et c’est là aussi notre faiblesse, et c’est là notre peine, et c’est là aussi notre joie… Vous n’avez pas tort dans les vices que vous nous prêtez, mais il ne suffira jamais plus de les énumérer pour nous en faire honte… Nous sommes désormais des salauds de réacs ; c’est-à-dire que vos injures sont nos gallons et vos reproches nos fiertés.
*Dieu pardonne, l’âme se joint à lui en prière, la main du pêcheur juge et tranche, amen.
Je ne connais pas votre « cible », mais déjà, attribuer à Dustan une réplique d’Audiard, il fallait oser !
Je suis d’accord avec vous. Il fallait oser!
Ce P. Schneider a vraiment toutes les audaces.
On laisse entrer le beau sexe autrement qu’en petite tenue sur Ilys ? Décidément tout se perd…
« Le billet en question s’intitulait « Réacosphère : underground zero » – quelques uns doivent s’en souvenir : »
Oui, oui. Et votre réponse le remet à sa place. Sur le fond, et encore plus, sur la forme 🙂
Merci Nico. 🙂
« Compulsifs », ça reste gentillet, je trouve. On doit pouvoir trouver mieux…
« Cruels », tiens ! Voilà :
Racistes,
Elistes,
Arrogants,
Cruels,
Salauds,
Ça me semble parfait.