L’Argent

Je ne me souviens plus exactement  de ce que racontait Charles Péguy dans son livre l’Argent, mais ça n’a aucune importance, car je me rappelle en revanche qu’il ne faut jamais garder un souvenir trop précis de ses lectures….

Les gens qui sont morts, qui écrivaient de leur vivant sans usurper le droit de le faire et qui ont mis pour ça leur peau sur la table ont généralement  gagné le droit de survivre à leur mort… Ils se tiennent en conséquence bien  vivants devant nous lorsqu’on les parcourt dans le silence d’une chambre, ils nous écoutent, nous parlent et jouissent comme n’importe quel vivant du droit à se contredire ou même à s’accrocher de manière pathologique à leurs certitudes sans que nous soyons dupes mais sans que nous cessions pour autant de les aimer.

La Pensée occidentale est une immense conversation qui a commencé avec l’Odyssée, ce n’est rien d’autre qu’une conversation,  aucun de ceux qui viennent autour de la table ne la quittent jamais, à moins que  leur Parole soit tout à coup sacralisée, qu’eux et les autres se voient  interdits de revenir dessus et qu’ils soient ainsi vraiment mis à mort…. L’écrivain bâtit pour la postérité, c’est par définition celui que l’on peut surpasser, le gribouilleur qui passera après son enterrement au statut d’éternel grand-père dont on va amicalement se moquer pendant mille ans…. La Littérature, mais aussi tous les Arts avec elle, ce n’est jamais qu’une histoire d’amitié, une grâce qui est faite à une personne sur cent mille de pouvoir s’adresser dans l’oreille à toutes les autres et de tendre la sienne à tous pour qu’ils puissent répondre, comme les grands acteurs qui murmurent sur la scène et sont entendus au balcon… La postérité, c’est le droit de se rester à table après la mort et de s’y faire engueuler. 

Charles Péguy est un vieillard qui a l’éternité devant lui, que je sais lire, qui me parle, et c’est donc pour ça que je sais le contredire…. Je ne suis pas un parasite, je n’écris pas dans La Nef, je ne m’appelle pas Sébastien Lapaque, Jacques Guibon ou Fabrice Hadjadj, je ne suis pas catholique pour de rire, je ne prends pas Bernanos et Péguy pour des cadavres à détrousser, et j’ai moi les  moyens de me livrer à une dispute avec eux.

Quand Charles Péguy dit en substance que l’Argent doit être toujours un moyen et jamais une fin, il a évidemment tort, mais surtout, il ne balance ce truisme sur le papier que pour se délivrer un instant du fardeau de sa Foi en Christ… Il avait pourtant  toute l’intelligence nécessaire pour comprendre que le capitalisme est le fruit naturel de la chrétienté, qu’il procède de la conviction cardinale des chrétiens selon laquelle  la tâche originelle ne sera jamais dépassée avant la Paraousie, que nous serons jusque là rongés par le vice et qu’ici bas, on pouvait au mieux faire émerger la vertu publique de nos vices privés, ce que l’Occident chrétien a fait pour le moins depuis cinq siècles pour son plus grand bonheur et pour la plus grande haine de ses contempteurs. 

Entreprendre de Moraliser le capitalisme, dénoncer l’Argent sale, gueuler que l’Argent doit être toujours un moyen et jamais une fin, ça ne consiste en rien d’autre qu’à nier l’essence du capitalisme, la nature infracassable de la tâche originelle, l’obligation de faire avec elle et de porter sur ses épaules tous les jours cette réalité qui nous fait prompt par l’esprit et faible par la chair…. 

C’est pardonnable de raisonner aussi mal quand on est un socialiste athée, ça l’était aussi quand on était comme Péguy un chrétien né trop jeune et mort avant d’avoir  vu  les désastres de la pensée anti-capitaliste, ça l’est encore un peu pour un chrétien qui ne se sent pas le courage de passer pour un salaud devant une foule cherchant à lapider  le défenseur des riches,  mais les rats qui en l’ An 2010  dénoncent la bourse, le capitalisme et l’argent sale avec une croix autour du cou et tout en s’agenouillant le dimanche sont des agents de Satan.

C’est la paresse intellectuelle, qui fait aboyer un catholique contre la bourse et l’argent sale, et je crois bien qu’il faudrait mieux pour un catholique se présenter devant Dieu avec un couteau plein de sang plutôt qu’avec un aveu de paresse intellectuelle traînée sur vingt ou trente ans.

Dans le système capitaliste, l’argent est une fin en soi,  il en sera toujours ainsi, et c’est très bien qu’il en soit ainsi. C’est une vérité scandaleuse, et c’est le devoir d’un chrétien, que de provoquer le monde avec des idées scandaleuses.

39 réflexions sur « L’Argent »

  1. Il Sorpasso

    Les Guibon&Cie sont tordants, ils tombent dans tous les pièges du protestantisme généralisé, en l’occurence cette manie de mêler la morale et l’argent. Preuve que ces mal débaptisés n’ont jamais rien compris à la contre-réforme, sûr qu’ils auraient renié le Pape, brûlé les tableaux, distribué les richesses aux pauvres pour prouver aux réformistes qu’ils étaient plus « moraux » que le clergé-tout en pensant sauver ainsi l’Eglise, Luther en rit encore…

    Pour Péguy, je m’insurge (c) Blueb. Je pense que son « refus » de l’enrichissement était personnel, une façon à lui de prendre des risques, de s’engager* entièrement, mais, la nuance c’est que son désintérêt n’était justement qu’un moyen : une contrainte imposée, un environnement, un moteur en somme. Et non une « fin en soi » comme les premiers cités. Il aurait donc très bien pu dire aussi « l’absence d’argent est un moyen, et non une fin ».
    CQFD, pour sauver Péguy, tapez 1

    NB : si Denis nous lit encore, et je sais qu’il est susceptible, je précise que je n’ai rien contre les protestant revendiquées, mais contre ceux qui s’ignorent.

    *terme galvaudé, on l’aura compris par la démonstration, l’engagement moderne est intransitif, tout comme l’ascèse contemporaine est une bouffonnerie

  2. Skandal

    « l’Argent doit être toujours un moyen et jamais une fin », au contraire, le « bon » capitaliste ne peut être qu’en accord avec cette phrase. En effet, l’argent n’est que le moyen, le vecteur, de consommation, ce n’est qu’un bout de papier ou une ligne de code dans une base de données, le seul intérêt de ce vecteur est qu’il peut être échangé contre des biens et des services, en dehors de ça, l’argent n’a aucun intérêt. Le type qui ne vit que pour remplir son compte en banque, au sens littéral et premier du terme, n’est finalement qu’un vulgaire collectionneur d’argent (souvent dématérialisé) qui en plus ne profiterai même pas de sa collection…

    Avoir de l’argent et ne pas le dépenser me semble être une perte de temps et comme on le dit : le temps, c’est de l’argent…

  3. XP Auteur de l’article

    l’Hérésie, c’est tout simplement de vouloir fixer « une fin ».

    Le propre du capitalisme, c’est qu’il n’a pas ce vice diabolique où prométhéen de viser « une fin ». Il prend juste acte que les hommes sont des hommes, qu’ils sont mus par l’intérêt personnel, et que ça peut à peu près fonctionner entre eux s’ils ne se prennent pas pour autre chose ,s’ils acceptent l’idée qu’il en sera toujours ainsi, si par exemple ils ne se mettent pas à se prendre pour Dieu et à se fixer « des fins ».

    Or, tous les discours des anti-capitalistes tournent autour de ça:ils lui reprochent cette modestie chrétienne, ce refus de « fixer une fin » à l’argent, d’accepter que le capitalisme soit non pas immoral mais « amoral ».
    Plébiciter un système économique « amoral », c’est de la modestie, de l’humilité , c’est accepter sa condition de pécheur.
    C’est aussi de l’optimisme et de la Foi:C’est croire que si l’on prend acte de la nature pecheresse des hommes, qu’ils sont mus par « des vices privés », la « vertu publique » est possible.

    le capitalisme, c’est l’incertitude. Et le manque de Foi, c’est le refus de la dite incertitude.

    Et c’est vrai que c’est inconfortable au possible, « infernal », l’incertitude… Mais le christianisme est quelque chose d’inconfortable, « d’infernal ». C’est épouvantable de porter une Croix, et Satan cherche jamais rien d’autre que de nous séduire en nous proposant de la poser, de la refuser.

    @Skandal

    Accepter que l’argent est une fin, c’est accepter l’idée que l’homme cherche à subvenir à ses besoins égoïstes et uniquement à eux. Le boulanger ne te vend du pain QUE pour ça. Pas pour te nourrir, et s’il fait un pain correct, c’est pour que tu reviennes, pas parce qu’il se soucie de ta santé. Il peut par ailleurs avoir une bonne moralité et refuser l’idée qu’il va t’empoisonner, mais ce ne sera jamais un moteur pour qu’il se lève tout les matins. J’ajoute qu’il ne fait pas non plus du pain uniquement pour se nourrir et nourrir ses enfants, sans quoi il chercherait un job peinard dans la fonction publique. Il fait du pain parce qu’il veut du fric, c’est à dire plus de fric qu’il en faut pour simplement se nourrir.

    Par ailleurs, le système fonctionne parce que les plus avides d’entre nous en veulent « toujours plus », qu’ils veulent satisfaire des caprices d’enfants tels qu’avoir le plus gros empire industriel, se payer la plus grosse bagnole, avoir la plus belle pelouse du quartier et ou le plus grand bateau du port. Bref, il fonctionne parce que ceux d’entre nous qui sont les locomotives du système travaillent non pas pour subvenir à leurs besoins mais pour « faire du fric », et en faire bien plus que les autres.
    C’est dans ce sens là que l’argent est « une fin en soi », dans le système capitaliste. Le capitalisme, ça marche ausssi parce que des gens qui ont un milliard de Dollar en veulent deux, sont près à tout pour en avoir deux, et pas pour des raisons particulièrement morales. C’est ni bien ni mal, c’est « comme ça ».

    Maintenant, si on veut savoir quel résultat ça donne, cette volonté puerile d’avoir toujours plus,il faut regardez la Riviera:si la côte d’Azur est aussi magnifique, si les maisons y sont aussi belles, c’est parce qu’il y a cent ans, les Anglais et les Russes milliardaires s’invitaient entre eux pour s’épater les uns les autres et pour démontrer qu’ils avaient la plus grosse et la plus tape à l’oeil… Un vulgaire coucours de bite, je te l’accorde, mais ça aboutit sur de la beauté, beaucoup de beauté.

    A l’inverse, les pays socialistes n’étaient pas seulement criminels, ils étaient laids. Une Traban, c’est laid, tandis qu’un Ferrari, c’est beau. Dans les pays où l’on roulait en Traban, on se fixait « des fins » collectives, parmi lesquels sans doute d’atteindre la beauté… A contrario, s’il existe des pays dans lesquels on a construit des Ferrari, c’est qu’on y a eu la sagesse de ne s’y fixer aucune fin. Pas même la recherche de la beauté.

    Si l’on cherche les raisons pour laquelle ça marche, le capitalisme, et que tout le reste ne marche pas, on ne peut les trouver que dans les Ecritures et uniquement dans les Ecritures….. Si l’on cherche les raisons qui poussent à refuser ce système, elles sont aussi dans les Ecritures.

    1. Skandal

      Attention loin de moi l’idée de mépriser l’argent, bien au contraire, seul les très riches peuvent se permettre de mépriser la monnaie… Mais accumulé uniquement l’argent me semble stupide et inutile, en revanche, dépenser sa richesse en plaisirs (futiles ou non) voila un bel objectif…

      Quand au rapprochement que vous faites avec les Écritures, mes « convictions » religieuse ne me permettent pas d’être en accord avec vous.

  4. gondy

    D’accord avec Rosco, je ne citerais ici que le fameux axiome de Tony Montana :

    first you get the money, then you get the power,THEN you get the woman

    . toutefois je m’interroge encore sur le fait que nous vivions dans un système réellement capitaliste…

  5. kilminster

    La femme recherche les meilleurs reproducteurs.
    L’homme est programmé pour répandre le plus souvent et le plus largement possible son lot de gènes, statistiquement ses caractères dominants ont plus de chance de s’exprimer.

  6. kilminster

    Une parfaite illustration du propos de XP, doublée d’un puissant laxatif administré aux anticapitalistes : le double exemple des 2 premières fortunes mondiales ( accumulés sous l’emprise du Vice) et distribuées ( Grâce et Vertu ) pour l’une à 80% ( W.Buffet) et l’autre à 95% ( B.Gates).

    Imparable.

  7. Bob Arctor

    Reste à savoir s’il est possible de conjuguer un modèle de puissance comme le Capitalisme avec une société homogène ethniquement. L’ennui, c’est que le pack « capitalisme » comprend trop souvent l’option « liberté, démocratie et droits de l’homme », c’est ce qui fait son attrait à l’international et ce qui fait que nous « crevons » également.

    Un ami me disait que si les slaves étaient restés aussi peu perméables aux délires « progressistes » de l’Occident (le multikulti étant plus une regression réactionnaire vers les cités-états cosmopolites de l’antiquité qu’autre chose), c’était d’une part grâce l’endoctrinement communiste qui aurait à jamais distillé dans les esprits la méfiance envers les discours idéologiques, mais aussi parce que les régimes collectivistes ont laissé leurs populations dans une misère crasse, que l’on sait propice à l’expression du populisme le plus outrancier. Il faut bien l’avouer, les gens de l’Est sont ataviquement racistes, la xénophobie proprement hallucinante du type de la rue en traumaterisait plus d’un chez les militants frontistes. ^^

    Alors que la France est déjà africaine mais toujours socialiste, eux survivront. C’est une évidence qui fait l’effet d’une claque dans le dents, libéralisme ou non, ce n’est pas l’économie qui fait l’essence d’un peuple d’où la necessité de ne pas lui accorder trop d’importance comme le ferait n’importe quel crétin d’extrême droite avec ses anathèse contre la finance mondialisée, les délocalisations et ces patrons exploiteurs responsables de l’invasion.

    Vous parlez de la Riviera, XP. La Côte d’Azur est très belle certes, mais on cherche toujours ce qui reste de provençal au milieu des vaches anglaises, des mafieux tchétchènes et russes, de la racaille nord-africaine et des Sushi express dégueulasses. Il y a un je ne sais quoi de perversité chez le français moyen (nissart inclus) qui fait qu’il se délecte du raz-de-marée à l’abri des flots. « Suave mari magno » comme disait l’autre.

    De même que l’occidental moyen a accepté de brader ce qui faisait de lui un homme libre et enraciné pour se jetter dans tous les délires issus de la Révolution, l’homme occidental moyen acceptera à terme la marée humaine brûnatre et l’islam sans sourciller. C’est aussi ce qui fait de nous la risée du monde slave: on se fout ouvertement de nos gueules sur les télévisions russes et polonaises à ce sujet.

    Français, peuple de poltrons à la lubrification facile

    Si nous crevons, c’est aussi à cause de se laisser-aller cosmopolite. Pour quelques piécettes d’économisées, un peu de sueur gauloise en moins et des maternités à craquer de petits marrons, des maisonnettes à donner en quantité aux touristes friqués, un grand parc d’attractions à gérer depuis sa télécommande.

    C’est la finalité de la France, disait Houellebecq, que de devenir le Disneyland européen.

  8. Tomichi

    Bob Actor@

    C’est exactement la question que je me posais. Est-ce que le Capitalisme permet à ceux qui le pratiquent de rester homogène ethniquement?
    Je n’ai aucun problème avec le côté matériel du Capitalisme, je sais que ce grâce à ce système, jamais autant de monde sur la planète n’a été aussi riche et bien portant, et je trouve que les critiques venant des gauchos et des réacs qui l’accusent d’appauvrir les masses sont stupides. Mais il faut se poser la question: est-ce que le fait d’ériger en modèle le libre échange des capitaux, des services et des marchandises peut permettre d’être imperméable à la libre circulation des personnes? N’y a-t-il pas un lien entre la philosophie économique et la philosophie sociétale? Je sais que les patrons n’ont objectivement aucun intérêt à l’immigration de masse, mais il est néanmoins incontestable que nombre d’entre-eux y sont favorables.
    Je suis très heureux que mon grand-père ouvrier métallurgiste et ma grand-mère femme de ménages aient pu se payer une maison avec piscine, là ou leurs parents n’auraient pu avoir au mieux qu’une vieille bicoque avec les toilettes au fond de la cour, mais si le prix à payer est à terme la tiers-mondisation de l’Europe, je ne sais pas si le jeu en vaut la chandelle…

    PS: La Provence n’est pas la Côte d’Azur, n’insultez pas mon pays s’il vous plait! Il y a encore de très beaux endroits préservés chez moi, même si il se font de plus en plus rare malheureusement…

  9. Rosco

    @tomichi : le capitalisme et l’unité ethnique n’ont rien à voir. Le capitalisme, c’est faire du fric. Comme disait un Britannique célèbre dont le nom m’échappe « Nous commerçons bien avec les sauvages ».

    Le problème central, c’est le dynamisme démographique et la conscience d’avoir TOUS LES DROITS quand il s’agit de s’étendre en tant que peuple. Les Britanniques, au temps de leur splendeur, n’ont pas hésité à déclencher les fameuses « guerres de l’opium » pour forcer les Chinois à acheter cette drogue qui était auparavant prohibée dans l’Empire du Milieu. Les Anglais (encore eux) n’ont pas hésité une seule seconde avant de massacrer allègrement les Indiens d’Amérique et les Aborigènes d’Australie. Et tout cela en buvant leur thé à 5 heures tous les jours et en s’habillant en smoking pour le repas du soir même au coeur de la brousse.

    La France ne s’est jamais demandé s’il était légitime d’aller coloniser l’Afrique noire.

    Aujourd’hui, la maladie morale de l’occident, issu du socialo-communisme et des Lumières, c’est de ne plus se considérer comme la crème de l’humanité. D’où la culpabilité et la déchéance. Rien à voir avec le capitalisme.

    Un peuple sain, même le plus abruti de tous, se considère comme la crème de l’humanité. C’est la première condition de sa survie. à partir du moment où un peuple accepte de se dire que le voisin vaut aussi bien que lui, il est foutu.

    À la limite, un peuple voué au capitalisme a bien plus de chances de survie qu’un peuple socialiste. Les Juifs sont les usuriers du monde depuis 3000 ans, et ma foi, ils sont en bonne santé. Les Français, en 200 ans, sont passé par tous les stades de la dégénérescence socialiste révolutionnaire, et on voit bien le résultat.

  10. Vertumne

    Malheureusement, je ne crois pas que le capitalisme débridé produise plus de beauté que le communisme. Tous deux permettent à l’humanité de se complaire dans ses plus bas instincts, individualistes dans un cas, égalitaristes dans l’autre, de telle sorte que les villes dominées par l’un et par l’autre sont étonnamment semblables. L’instinct de troupeau se manifeste aussi fortement dans les deux sociétés. Les queues devant les magasins Apple me rappellent furieusement les files d’attente devant les magasins d’état soviétiques, sauf que ce n’est pas la même sorte de « faim » qui est à l’oeuvre.

    La banlieue dortoir étatsunienne est aussi monotone et laide qu’une banlieue stalienne moscovite, sauf que la monotonie s’étend dans la dimension horizontale au lieu de verticale:

    http://berlinwashington.files.wordpress.com/2009/05/alexandra_urban-sprawl-2.jpg

    C’est parce que le capitalisme appliqué à des formes d’humanité inférieures donne finalement comme résultat une certaine homogénéité des aspirations et des modes de vie. Bref, le capitalisme de l’infrahumanité aboutit tôt ou tard au socialisme.

    En revanche, il est vrai que la Beauté ne peut naître que si et seulement une inégalité et une discrimination conceptuelles existent. Inégalité parce qu’il est impossible d’ordonner le monde sans une gradation. Discrimination (au sens premier du terme) parce que c’est la seule façon de sortir le monde du Chaos originel indifférencié. La combinaison des deux produit la beauté.

    Les étoiles sont les plus belles choses au monde parce qu’elles sont éloignées et inaccessibles, donc totalement « inégalitaires » et « discriminées ».

  11. Tomichi

    Rosco@

    Il est évident que le Capitalisme à lui tout seul ne peut être le seul responsable de notre déchéance, mais je ne pense pas qu’il soit plus pertinent de faire porter le chapeau à l’idéologie socialo-communistes et aux lumières. C’est un ensemble de facteurs qui forment une chaine de responsabilité, et je pense que le modèle libre-échangiste en est un des maillons. Je remarque simplement qu’à l’époque où la France était protectionniste, les patrons étaient patriotes, et maintenant qu’elle est libre-échangiste, les patrons sont cosmopolites, même si cela est néfaste pour eux à terme. Quand David Cameron a promis qu’il arrêterait l’immigration extra-européenne, tout le patronat britannique a exprimé « ses inquiétudes ».
    Le libre-échangisme est consubstantiel au mondialisme sous toute ses formes. Le protectionnisme est consubstantiel au nationalisme.

    « Les Juifs sont les usuriers du monde depuis 3000 ans, et ma foi, ils sont en bonne santé »

    J’arrête immédiatement la conversation! Pas de discussion possible avec les négationnistes! (lol bien sûr).
    Je note tout de même que leur apogée coïncide avec notre déchéance…

  12. Htol

    Je pense qu’il y a plusieurs capitalismes, comme il y a plusieurs communismes. Et je pense qu’un capitalisme sain est imaginable, mais qu’il est idéaliste, et qu’aujourd’hui, notre capitalisme est rattrapé par la réalité de la condition humaine, comme le fut le communisme en son temps.
    On accuse souvent les gens d’être devenus des esclaves de la consommation, ce qui est vrai dans une certaine mesure si on ne perd pas de vue qu’un esclave ne l’est jamais volontairement.

    Il faut comprendre que ce comportement de consommateur consumériste leur a été inculqué par des êtres pervers. Des fous furieux névrosés, qui ont bâti un système névrotique pour névrosés ou qui l’ont perverti en réalisant leur fantasme qui est proche de la pathologie mentale que vous décrivez. Si on observe deux secondes on se rend compte que toutes les normes de comportement tendent vers la consommation, que ce soit en réaction aux lois qui régissent le monde « ah tiens j’ai un bobo, heureusement j’ai du mercurochrome, mercurochrome, le pansement des héros, mercurochrome, le pansement des héros, mercurochrome, le pansement des héros, … »
    De cette manière les émotions sont exploitées, les frustrations liées aux limites des lois naturelles, physiques, biologiques, les désirs, … face à un problème la première idée qui vient c’est de consommer. Tout revient à la consommation.

    D’un autre côté la consommation c’est le désir de conquête propre à l’homme, il peut stimuler l’effort d’innovation. Mais ce n’est pas mon sujet.

    Du coup on se rend compte que les gens sont foncièrement bons en réalité mais qu’on les a corrompu, parce qu’on les a obligé à manifester leur amour et à le vivre par l’intermédiaire de la consommation et de ses dérives comme l’hédonisme (qui se résume à consommer et en plus à en tirer du plaisir, non parce qu’à la rigueur quand on consomme par obligation en se rendant compte que c’est con ça passe, le problème c’est quand on commence à y prendre goût, on vend son âme au diable, pour avoir sa dopamine faut payer toujours plus) et la cupidité (et l’égoïsme), puis l’endettement.

    Si le gamin possède pas il est frustré, si le gamin est frustré le père culpabilise, pour prouver son amour il doit lui payer son jouet, et encore plus pour qu’il réussisse ses études dans les meilleures conditions possibles, études nécessaires pour qu’à son tour il puisse payer des jouets à son gosse. Ça lui ferait mal au père de famille de voir son gosse échouer ses études parce qu’il a pas le même sac de marque que ses petits camarades et que personne ne veut être ami avec lui à cause de ça. Et en plus il deviendrait jaloux et aigri. Et il aurait pas de femme car il serait pauvre. « Non vraiment, je vais lui acheter ce sac, c’est vital. »
    Du coup au gosse on lui apprend à être jaloux et à n’avoir aucune patience ni retenue. Et ça renforce l’idée que tout est à la fois facteur et conséquence, c’est une spirale ou tout s’entremêle. La consommation est facteur d’égoïsme, mais aussi conséquence. Je ne vois pas le moyen de s’en sortir.

    La consommation c’est aussi l’amour des relations sociales. Celui qui ne consomme pas n’a plus aucun repère, aucun lien et donc sujet de discussion avec les autres, il est exclu du salon de thé du samedi après-midi avec les copines. D’ailleurs c’est la grosse ménagère désespérée qui va aller s’endetter pour acquérir de l’argent qu’elle ne possède pas histoire de noyer ses problèmes dans l’alcool acheté à la supérette du coin.

    Avant la consommation c’était le moyen d’acquisition par l’achat sur l’interface qu’est le marché, entre le besoin et l’offre de satisfaction. Aujourd’hui la consommation est devenue un besoin, il faut acquérir la consommation, y accéder, c’est un désir compulsif, les gens se sentent mourir s’ils sont exclus du système de consommation. Ils vivent à travers leurs possessions, à travers l’acte d’achat. C’est devenu un besoin, une fin en soi et l’argent est donc, a fortiori, devenu une entité supérieure, le travail un culte, puisqu’il est le lien entre le Dieu nouveau qui est l’argent et le moyen de s’en approcher, le salut, qui est la consommation/possession, c’est un rite. D’ailleurs on voit très bien qu’on a tué la morale chrétienne, la charité et la tempérance, et que c’est aussitôt la logique de marché, capitaliste, qui l’a remplacée avec l’individualisme exacerbé et l’hédonisme. Le paysan ne vivant plus, ni pour son seigneur ni pour aider son voisin au nom de sa foi, mais pour lui et en concurrence potentielle avec ce dernier (qu’on n’aime pas aider gratuitement d’ailleurs parce qu’on n’a le sentiment de se faire baiser, c’est comme prier si y a pas d’espoir de réponse, c’est une perte de temps, et le temps c’est de l’argent) au nom de son plaisir qui se résume à gagner du fric et à consommer des futilités avec ce fric.

    Ça tourne à la mégalomanie consumériste, « il me faut tout pour approcher de la perfection, je serais plus beaux, plus intelligent, plus puissant, plus complet, plus parfait donc. »
    L’individualisme mondialiste puisqu’il est à la fois universel et qu’il n’a plus de limite à part celle du monde et de l’univers, de ses lois, et encore, que le capitaliste pense pouvoir dépasser, est au service de la consommation, l’individu pense être capable de conquérir le monde à travers la consommation ou en tout cas il pense que celle-ci exprime sa puissance, ou qu’il y puise sa puissance. De plus il est très faible face au système qui l’isole, impossibilité pour lui de se rebeller s’il comprend quelque chose à ce qui lui arrive. On lui a laissé croire que le monde s’ouvrait à sa domination s’il consommait trois choses : du post-matérialiste (acquérir des valeurs, du savoir et de la vertu qui coutent chers, seulement histoire de les posséder et de consommer, rien de transcendant), du matériel, et enfin du rêve (avec lequel on lui bourre le crâne).

    A aucun moment il ne comprend qu’il est seulement enrôlé dans le même délire que 80% des gens qui l’entourent. Il croit à sa chance.

    C’est un peu long, désolé.

    1. Htol

      Concernant vos critiques

      Vous le trouvez long, c’est vrai, mais je l’avais annoncé bien avant vous. Vous n’avez aucun mérite sur celle-là.

      Vous dites aussi que ce n’est pas assez personnel. S’il s’agit des idées,pour autant que je sache, je ne les ai empruntées à personne, s’il est question de style, j’ai en effet des difficultés mais je m’entraine à les surmonter, je me cherche encore, pas étonnant vu mon jeune âge, et vous avez raison de le dire.

      En règle générale, j’ai tendance à croire que plus la critique est courte, plus il y a à revoir. J’ai donc intérêt à redoubler d’effort.

  13. Kid A

    Bloy disait « L’expérience de ma vie cruelle, aussi bien que la méditation religieuse, m’ayant appris qu’il ne peut y avoir de bons riches et que la miséricorde est rencontrable uniquement chez les pauvres. »

    Cette haine du riche, du fort, du vertical, de l’imprévisible et la hiérarchie en constant mouvement qui la suit en opposition au plan, à l’égalité, à la « fin » qui n’est autre que l’au-delà et le jugement dernier punissant ceux qui auront fait vivre leurs instincts…

    C’est très chrétien ce que tu critiques avec justesse, XP. Nietzsche disait aussi que la négation de nos instincts était funeste, et que si l’homme était parfois moche, c’est en acceptant ce qu’il a de laid en lui qu’il pouvait atteindre la joie, le beau, le sublime.

    A moins que les Ecritures dont tu parles soient en réalité le Gai savoir et l’amoralité dont tu te réclames soit Par-delà bien et mal, je ne comprends pas cette attachement au christianisme quand toutes tes trouvailles sont « antichrétiennes ». Pourquoi l’univers chrétien ? Les anges, le démon et la croix ? Pour l’esthétique certainement. Et là je peux le comprendre.

  14. la crevette

    Vertumne : « Malheureusement, je ne crois pas que le capitalisme débridé produise plus de beauté que le communisme.  »
    Mettre sur le même niveau, le même plan capitalisme et communisme est me semble t-il une erreur fondamentale. Le capitalisme (au sens très large du terme, je préfèrerais dire le libéralisme classique)tient compte de ce qu’est l’homme, il s’intègre dans une nature humaine, le communisme n’est qu’une idéologie, un système, un moyen qui justement ne tient absolument pas compte de l’essence humaine.
    XP dit assez justement : : « Le propre du capitalisme, c’est qu’il n’a pas ce vice diabolique où prométhéen de viser « une fin ». Il prend juste acte que les hommes sont des hommes,  »

    Kid A : « A moins que les Écritures dont tu parles soient en réalité le Gai savoir et l’amoralité dont tu te réclames soit Par-delà bien et mal, je ne comprends pas cette attachement au christianisme quand toutes tes trouvailles sont « antichrétiennes ». Pourquoi l’univers chrétien ? Les anges, le démon et la croix ? Pour l’esthétique certainement. Et là je peux le comprendre. »

    Les trouvailles d’XP ne sont pas anti chrétiennes, à part les chrétiens je ne vois pas qui se remet en question au long des siècles et pas seulement pour des motifs esthétiques mais plus profondément pour des raisons de progrès ou de salut.Certaines idéologies, par définition fixent les hommes et les enferment dans un cercle infernal. Le christianisme ne cesse de chercher un équilibre fragile certes mais qui tend à se rapprocher toujours au mieux de ce qu’est un homme. Il l’accompagnerait plutôt dans son cheminement pourrait-on dire.Que les chrétiens aient eux-mêmes parfois du mal à comprendre certaines réalités est une chose, cela ne remet pas en question l’indispensable démarche intellectuelle, spirituelle, »l’éternelle révolution » pour reprendre Chesterton qui doit être à la source du christianisme.

    1. Vertumne

      Chère crevette, je ne dis pas que capitalisme et communisme sont intrinsèquement semblables mais que les conséquences concrètes de leur application à large échelle, les fruits de ces arbres, donnent des résultats similaires dans certaines catégories. Je pense notamment à l’architecture, à l’urbanisme et à une forme de massification des comportements individuels.

      La publicité tellement omniprésente qu’elle devient une propagande et le cauchemar esthétique (visuel, auditif, olfactif) représenté par les sociétés capitalistes modernes n’ont rien à envier au totalitarisme rouge en termes d’atteinte à la beauté.

  15. Kid A

    Je ne connais pas le christianisme dont vous parlez. Vous parlez d’hommes européens, ça n’a rien à voir avec le christianisme selon moi. Le christianisme est un -isme aussi, une idéologie, et dire qu’elle est vivante, en mouvement et accepte l’homme, c’est quand-même extrêmement subjectif.

    On peut considérer que le christianisme c’est l’inverse de tout cela, du mouvement, de la remise en question, c’est même la plus grande sclérose qui ait frappé les peuples d’Europe, et on peut même l’argumenter sérieusement.

    La critique du communisme ou d’autres idéologies n’est pas incompatible avec celle du christianisme, je ne comprends pas comment l’on peut passer Nietzsche à la trappe aussi facilement. Surtout lorsqu’on aime le mouvement, l’imprévu, la hiérarchie, toutes ces choses qu’ont voulu abattre les Pères de l’Eglise dans leurs écritures.

    « On doit appeler prêtre tout personnage qui règne par la perpétuation de la culpabilité (…) de la peur de changer, d’assumer la force de se révolter »

  16. Kid A

    Le règne de l’égalité, la culpabilisation systématique du riche, du fort, la volonté d’horizontaliser tous les hommes, d’admettre un autre monde après la mort, donc un système avec une « fin », où la « justice » serait rendu selon les valeurs du Bien chrétien, enfin vous niez tout cela ? La modernité n’est pas faite sur des valeurs chrétiennes devenues folles, mais sur des valeurs chrétiennes ultradominantes, à tel point qu’elles ont n’ont plus eu besoin de dogme, qu’elles ont survécu à la mort de Dieu, tellement elles sont ancrées dans l’inconscient européen.

    Il suffit de relire le texte d’XP encore, et encore, il ressemble bien plus à du Nietzsche qu’à du Paul l’apôtre. Et c’est tant mieux.

    1. Vertumne

      C’est d’ailleurs pour cela que paradoxalement, alors que les églises sont vides et le Pape moqué comme jamais, notre société n’a jamais été aussi christianomorphe que de nos jours. Un bobo athée qui enseigne par mauvaise conscience le français aux sans-papiers, prêche le pardon et la non-violence, et plaide la tolérance pour les moeurs dissolues actuelles est d’une certaine manière un chrétien qui s’ignore.

      1. la crevette

        Peut-être mais ce chrétien que vous décrivez ça n’est pas la totalité des chrétiens, il ne faut pas généraliser, il suffit de voir aux USA les catholiques, ce ne sont pas les derniers à prêcher le pardon certes mais aussi à porter des armes sans complexes par exemple, pour certains.Et certains de ces catholiques vivent fort bien le capitalisme et ses effets positifs de richesse et d’aisance matérielle tout en priant des rosaires en semaine avec leurs mouflets et en assurant une adoration H24 à l’église d’à côté (ceci est un exemple récent que mon mari a vécu et pas chez des mexicains ou latinos)

        Vous allez me dire, c’est plutôt riquiqui comme communauté chrétienne et vous aurez raison mais il fut une époque où Saint Athanase se retrouva seul( vraiment le seul) et dernier évêque avec une foi non dévoyée pourchassé par toute une horde d’ariens qui avaient pris le dessus partout.

  17. Sébastien

    C’est le bouddhisme (non-violence, tolérance, absence de dogme) qui est ultradominant aujourd’hui. Les vertus chrétiennes, à force de devenir folles, se sont transformées en autre chose. Par pitié, cessez d’accabler le christianisme quand il n’y est pour rien. S’il y a bien une constante chez les modernes, c’est la haine de cette religion, une haine tellement bien enracinée qu’elle traque son ennemi là où il ne se trouve pas. Le monde dans lequel nous vivons est intégralement païen. Le peu qui reste de chrétiens s’est réfugié dans les catacombes.

  18. Nebo

    Ici et là de très bonnes choses ont été dites, mais j’ai tout de même le sentiment que règne une certaine confusion dans l’approche de certaines notions.

    Le Libéralisme existait bien avant que le Capitalisme, tel que l’a mis en évidence le père Marx, ne soit mis en place et prenne son expansion à partir du XIX ème Siècle.

    Prenez la République de Venise, par exemple, elle a su allier un sens du commerce redoutable, avec une mixité bariolée en ses contrées, essentiellement parce que c’était aussi un lieu où les marins du monde entier venaient à un moment ou un autre s’aventurer, et où ça ne rigolait pas avec le sens de l’Ordre. Le Doge et les inquisiteurs veillaient au grain et ça ne rigolait pas du tout avec les fouteurs de bordel. Même lorsque quelqu’un n’était pas mis à mort, la prison des Plombs lui remettait les idées en place. Les Mémoires de Casanova (grand niqueur devant l’Eternel) en disent long, à ce sujet, et puis Venise c’était durant 1000 ans une réalité en même temps qu’un mythe. Je songe à la Pompadour accueillant le jeune Casanova lui dit, émerveillée : « Ah ! Monsieur ! Vous venez de là-bas ! » et celui-ci de lui répondre : « Ah ! Venise n’est pas là-bas, Madame, Venise est là-haut ! » (Je cite de mémoire)

    Le Cosmopolitisme, notez-le bien, a toujours été l’apanage des grands esprits qui ont eu soif d’aller à la rencontre du Monde. Les grands explorateurs curieux (Marco Polo, Christophe Colomb, etc…) ou même les conquérants comme Alexandre, les philosophes du type de Montaigne (songez aux cannibales), les rebelles aux vers légers (Rimbaud), les poètes luttant contre le Spleen à grands coups de stances acides (Baudelaire… qui d’ailleurs baisait une demie-négresse, la belle Jeanne Duval)… et comment ne pas évoquer les grands esprits allemands ou autrichien qui s’en réclamaient avec passion, Zweig, Hesse, Nietzsche… Mais notez que leur Cosmopolitisme n’a rien à voir avec ce que nos gardiens de vaches diplômés nomment « Cosmopolitisme » de nos jours ! Il faut remonter dans l’antiquité grecque pour trouver, déjà, un Diogène de Sinope venir définir le Cosmopolitisme comme un moyen de se sentir d’un lieu tout en touchant à l’universalité, sans renier cependant sa particularité. Notez que, on en a discuté en de maintes occasions en ce lieu, c’est bien l’Homme Occidentale qui a toujours eu cette capacité d’assimiler très rapidement les découvertes dues à sa rencontre avec l’altérité, ce qui a toujours su nourrir ses élaborations artistiques et philosophiques. Je songe par exemple aux Orientalistes ou à Montesquieu (Comment peut-on être persan ?) pour ne donner que ces exemples… et puis je ne puis m’empêcher de songer à Paul Morand comme exemple même de l’écrivain qui va écrire aussi bien à propos de l’élégance et de Coco Chanel que des artistes noirs de New York, ceux du Harlem Renaissance : « Ils forment un centre artistique agréable, une petite « intelligentsia  » en contact avec les milieux analogues blancs ; des artistes comme le ténor Roland Hayes, Paul Robeson, l’auteur incomparable de l’Emperor Jones et le beau baryton de Show-boat, Walter White, excellent romancier noir, si l’on peut dire, car White est aussi rose et blond qu’un Suédois.(…) C¹est par l’art, par la musique et la poésie que Countee Cullen, Weldon Johnson, par le roman que Chestnutt, Fisher, McKay, W.E.B. DuBois, Nella Larsen, par la peinture qu’Aaron Douglas, Woodruff, et Albert Smith ont su, en dix ans, s’imposer au respect et à la sympathie de New York. »

    Il y a donc Cosmopolitisme et Cosmopolitisme… ^^… et comme me sont venues ces pensées, l’autre soir, alors que je regardais un très beau concert du groupe Gorillaz à la télévision où j’ai bien pressenti que ce savant mélange que Gorillaz a si bien su mettre en oeuvre était précisément menacé par… l’immigration massive, justement, ce qui n’est aucunement un paradoxe pour ceux qui ont la cervelle bien en place mais qui l’est bien pour un défenseur drouâdlômiste de nos Chances pour la France… voyez ici :

    http://incarnation.blogspirit.com/archive/2010/07/15/anti-ouacistes-ideologiques.html

    Le Cosmopolitisme tel que ces grands esprits ont pu le concevoir c’était cette volonté de faire jaillir de leur rencontre avec l’altérité ce qui peut, en effet, relever de l’Universel, dans le sens où des résonances parcourent toutes les possibilités humaines et ce qui me touche, personnellement, dans la lecture d’un livre de Mishima, par exemple, est non pas systématiquement son aspect « japonais » mais ce qui peut me parler en dépit de la distance, des océans et de la culture étrange qui m’en sépare et parvient à nourrir ma sensibilité européenne. Là est le Cosmopolitisme qu’il faut défendre, et non pas celui qu’on veut nous faire bouffer à grand coups de propagande puante et qui n’aboutira qu’à une seule chose : la création progressive d’un monde gris et uniforme pour une grande part, en même temps que la mise en réserves (comme les indiens d’Amérique) de ceux qui attachés à leur identité propre ne voudront pas accepter le sacrifice de leur individuation et idiosyncrasie.

    Nous sommes bien d’accord pour mettre en exergue le principe que c’est bien le libéralisme qui autorise une authentique création de richesse, que c’est la concurrence qui stimule l’innovation, etc… mais Marx a aussi prophétisé que la Capital Léviathan deviendra une affaire en soi, un but en soi, et ne serait pas simplement un outil. A noter, si ma mémoire est bonne (car ce sont des lectures qui remontent à mes 20 ans et j’en ai 45 aujourd’hui… ça date), que le libéralisme n’est pas vu d’un mauvais oeil par Marx quand il apparaît dans le système qu’il nomme féodale, il le conçoit comme un « progrès » en ce sens qu’il autorise l’entreprise sans avoir à rendre de comptes à un Seigneur. Cependant il devine assez bien l’aboutissement logique du Capitalisme poussé dans ses retranchements ultimes et n’étant plus qu’un principe d’avarice. Amasser de l’Argent pour amasser de l’Argent… en effet quel intérêt ? Mais s’en servir pour ce qui sied à notre bon plaisir (puisque cet Argent nous l’avons gagné à la sueur de notre front) ou, tout de même, pour continuer à développer d’autres projets (d’autres « visions » ai-je failli écrire) qui une fois mis en branle apporteront des opportunités à d’autres gens de travailler et de s’enrichir si ils le veulent, voilà qui me semble sain. Mais, que je sache, ceci a existé de tout temps et je ne serai pas surpris que la parabole du talent de notre Seigneur Jésus puisse être une parabole tout à la fois spirituelle en même temps qu’économique, n’est-ce pas ?

    La Bible ne s’en prend aucunement au Riches sans faire de détails. Les grands patriarches sémitique sont tous très riches et Salomon ou David ont or, épices, nobles étoffes et troupeaux… sans parler des femmes ( puisque d’après Tony Montana : first you get the money, then you get the power,THEN you get the woman… ^^) Salomon avait un harem de 1000 épouses et concubines. Que Dieu me pardonne, mais il devait niquer sévèrement le Sage Roi… ^^
    La Bible s’en prend aux riches n’ayant pas d’Ethique, si je puis dire, imbus d’eux-mêmes, ne songeant pas au miséreux, à la veuve ou à l’orphelin. Il est intéressant de noter que Job, très très riche, lorsqu’il perd tout, maison, femme, amis et enfants, richesse et possession, au terme de son épreuve Dieu en fait un homme riche au centuple de ce qu’il fut auparavant. C’est la raison pour laquelle le Christ déclare qu’il sera plus facile à un chameau de passer dans l’échasse d’une aiguille qu’à un Riche d’avoir part au Royaume. Car les Riches qu’il décrit ne sont pas fréquentables et je pense que c’est des mêmes riches que parle Bloy. De ces riches qui se foutent de la souffrance de leurs semblables comme de leur première dent de lait. De ces pauvres qui sont décrits, par exemple, au Chapitre XXIV de Job : « On écarte les pauvres du chemin, les indigents du pays doivent se cacher ; tous ensemble ils cherchent une proie dans la steppe en guise de nourriture pour leurs petits… Ils passent la nuit nus, sans vêtements et sans couverture contre le froid, l’averse des montagnes les pénètre et, faute d’abri, ils étreignent les rochers. On enlève l’orphelin à la mamelle, on prend en gage les nourrissons des indigents…Entre leurs murs, ils pressent l’huile, ils foulent les cuves et endurent la soif » (Job 24 : 4-11)

    La Bible invite simplement à tenir ses affaires en ordre, à marcher dans la Voie du Seigneur. Partant de ce principe, si on travaille et qu’on s’organise avec détermination sans négliger les commandements et l’empathie envers autrui, il va de soi qu’on a des chances si ce n’est de devenir riche tout du moins de ne manquer de rien, mais on peut aussi en pareille situation devenir très riche, très très riche. Mais s’enrichir n’était pas, en ce cas précis, le premier but de l’affaire. Les riches qui sont condamnés par Le Christ sont ceux qui n’ont comme objectif que de s’enrichir uniquement et qui sont prêts pour y parvenir à, hypocritement, se parer du masque de la vertu afin de se sentir honoré au milieu de l’assemblé. Je pense ici à l’épisode de l’Obole au Temple avec le Très Riche Pharisien et la très vieille misérable, le premier ayant donné sur son superflu, mais devant tout le monde pour bien se montrer (et là ça me fait penser aux « Enfoirés » des Restos du Coeur qui aiment bien se montrer pour être dans la ligne de mire de l’humanitarisme de circonstance… et faire les bobos concernés) et la seconde s’étant privée pour n’y mettre que sa simple piècette de menue monnaie.

    En fait… il faut se méfier du Veau d’Or qui surgit et resurgit à n’importe quel moment dans notre univers pour bien nous rappeler qu’il mène la danse ici-bas.

    Au final, là où je veux en venir… en attendant la Fin du Monde et son Illumination Définitive par l’Apocalypse, il convient de s’enrichir si on le désire, mais en marchant dans la Voie du Seigneur, tout le reste n’étant qu’errance et approximation hasardeuse. Et malheur à celui qui s’enrichit en écrasant son prochain avec une pleine et nette conscience de ce qu’il fait… car le Riche Roi Salomon avait une fonction qui ne devait rien laisser au hasard, voyez le Psaume 72 :

    « 1 De Salomon. O Dieu, donne tes jugements au roi, et ta justice au fils du roi.
    2 Qu’il dirige ton peuple avec justice, et tes malheureux avec équité !
    3 Que les montagnes produisent la paix au peuple, ainsi que les collines, par
    4 Qu’il fasse droit aux malheureux de son peuple, qu’il assiste les enfants du pauvre, et qu’il écrase l’oppresseur !

    (…)

    11 Tous les rois se prosterneront devant lui; toutes les nations le serviront.
    12 Car il délivrera le pauvre qui crie vers lui, et le malheureux dépourvu de tout secours.
    13 II aura pitié du misérable et de l’indigent, et il sauvera la vie du pauvre.
    14 Il les affranchira de l’oppression et de la violence, et leur sang aura du prix à ses yeux. »

    Et le Psaume 82 :

    « 1 Cantique d’Asaph. Dieu se tient dans l’assemblée du Tout-Puissant; au milieu des dieux il rend son arrêt:
    2  » Jusques à quand jugerez-vous injustement, et prendrez-vous parti pour les méchants? – Séla.
    3  » Rendez justice au faible et à l’orphelin, faites droit au malheureux et au pauvre,
    4 sauvez le misérable et l’indigent, délivrez-les de la main des méchants.
    5  » Ils n’ont ni savoir ni intelligence, ils marchent dans les ténèbres; tous les fondements de la terre sont ébranlés.
    6  » J’ai dit: Vous êtés des dieux, vous êtes tous les fils du Très-Haut.
    7 Cependant, vous mourrez comme des hommes, vous tomberez comme le premier venu des princes.  »
    8 Lève-toi, ô Dieu, juge la terre, car toutes les nations t’appartiennent. »

    Je me dois quant à moi de mettre en avant cette très belle prière issue de Proverbes, 30 ; 8-9 :

    « Éloigne de moi la fausseté et la parole mensongère ;
    Ne me donne ni pauvreté, ni richesse,
    Accorde-moi le pain qui m’est nécessaire,
    De peur que, dans l’abondance, je ne te renie
    Et ne dise : qui est l’Éternel ?
    Ou que, dans la pauvreté, je ne dérobe,
    Et ne m’attaque au nom de mon Dieu. »

    Ce qui renvoie à Saint Ignace de Loyola dans son « Principe et Fondement » qui nous invite à l’indifférence tant à la Richesse qu’à la pauvreté :

    « L’homme est créé pour louer,
    respecter et servir Dieu notre Seigneur
    et par là sauver son âme,
    et les autres choses sur la face de la terre
    sont créées pour l’homme,
    et pour l’aider dans la poursuite de la fin
    pour laquelle il est créé.

    D’où il suit que l’homme doit user de ces choses
    dans la mesure où elles l’aident pour sa fin
    et qu’il doit s’en dégager
    dans la mesure où elles sont, pour lui, un obstacle à cette fin.

    Pour cela il est nécessaire de nous rendre indifférents
    à toutes les choses créées,
    en tout ce qui est laissé à la liberté de notre libre-arbitre
    et qui ne lui est pas défendu ;
    de telle manière que nous ne voulions pas, pour notre part, davantage la santé que la maladie, la richesse que la pauvreté, l’honneur que le déshonneur, une vie longue qu’une vie courte et ainsi de suite pour tout le reste,
    mais que nous désirions et choisissions uniquement ce qui nous conduit davantage à la fin pour laquelle nous sommes créés. »

    La richesse est une bénédiction… mais elle n’est qu’un outil vers d’autres bénédictions.

    Pour ce qui est d’une « finalité » éventuelle proposée par le christianisme qui en vient encore à hérisser les poils de quelques « païens » trop contents de n’être que les explorateurs d’un Devenir mouvant, d’une Route, d’une Odyssée jamais achevée et toujours recommencée… il convient de leur rappeler que cette vision chrétienne n’est rien d’autre qu’un christianisme déjà devenu fou, comme les vertus chrétiennes de Chesterton, la Bible promet que de nouveaux rouleaux seront ouverts, autrement dit que la Création n’est pas terminée, ici la Justice Divine n’étant pas non plus une Fin en soi mais encore un outil qui va permettre à l’Homme au terme de la Parousie de prendre pleinement part à la Création elle-même, comme « homme de main » du Seigneur, car à l’Origine il se devait d’entretenir un Jardin qu’il a, au final, saccagé.

    Nous sommes encore dans le septième jour, celui du repos du Seigneur, alors que Jésus précise que lui comme son Père n’ont cessé de travailler même durant ce septième jour. Au Premier Jour de la Nouvelle Semaine Divine la Création reprendra son cours avec l’Homme Renouvelé comme assistant de choix.

    La Justice Divine n’est aucunement une horizontalité du troupeau humain, mais bien une verticalité toujours remise sur la table d’oeuvre. Gershom Scholem considérait même que s’il y avait 600 000 personnes au pied du Mont Sinaï, il y avait aussi 600 000 portes différentes pour avoir accès à la Parole de l’Eternel. Car l’Homme est une Singularité, étant fait à l’image de Dieu qui est LA SINGULARITE des singularités !!!! Il est égal à son semblable du point de vue juridique, mais chaque être humain est une particularité presque quantique… ^^… et de ce point de vue-là il est infini, unique et non comparable à son prochain.

    Ce que Nietzsche condamne à très juste raison chez Paul l’Apôtre, c’est ce qu’il en lit par le prisme, justement, de « ces vertus chrétiennes devenues folles », qu’il postule bien entendu avec d’autres mots que ceux de Chesterton, mais qui ne sont pas l’unique et implacable lecture à en avoir.

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