« Mon cher Roger,
Cette lettre est la dernière que je t’enverrai. Je sais que je vais te porter un coup terrible, mais… »Et cela continue sur quatre pages, quatre grandes pages terribles, inhumaines de froideur, parce que s’adressant à un homme pour qui le mot « Femme » ne s’écrivait qu’avec une majuscule. Pierre sait parfaitement (car on se confie à un ami dans ce pays lointain), que ce deuxième séjour en Indochine a été encouragé par l’auteur de cette lettre, « pour ta carrière, et pour le petit… je suis si fière de toi… la grandeur de ton sacrifice… toutes ces années que nous rattraperons au centuple… ect., ect. »
« …ne t’aimant plus, ne t’ayant, je crois, jamais aimé, j’estime qu’il est préférable que nous vivions notre vie chacun de notre côté. J’ai rencontré pour ma part un homme qui j’en suis sûre… »
Quatre pages de lâcheté féroce, de trahison raisonnée, de dissection cruelle, voulue.
« Le gosse restera avec moi en attendant la décision du Tribunal. Ne t’inquiète pas, il sera très correctement élevé et… »
Tonkin, Guerre d’Indochine : 1950-1954, Journal d’un soldat inconnu ; Editions Bordessoules, p.19
Et même dans ce cas-là, alors, « Malheur au vaincu »? 🙂
Pauvre cruche, « malheur aux vaincus » n’est pas un programme, c’est une CONSTATATION FORGÉE PAR L’EXPÉRIENCE. Un truc de mec, hein…
Qui de la potiche ou de la vipère se montre gai et aimable ici? Qui crache son venin sur l’autre avec amertume?
J’ai posé une question à Vae Victis à laquelle je vois pour ma part une portée philosophique, libre à vous d’avoir réponse à tout, mais cela ne vous honore pas.
***
Reformulation
Jean de la Fontaine qui autrefois donna la parole au loup, lui fit tenir les propos suivants : « La raison du plus fort est toujours la meilleure ». C’est resté depuis l’argument favori de tous les prédateurs : « Tel homme est grand, est beau, est riche, c’est un spéculateur rusé, il a su profiter habilement du système, il a vaillamment navigué sur des navires percés mais n’a jamais coulé avec, c’est donc un gagnant, un fort, un meneur, Dieu lui a donné la grâce, il est choisi parmi les siens ».
Mais lorsque c’est une femme qui use de ses avantages naturels (et des lois qui la protègent) pour faire son trou et mener les hommes par le bout du nez? Mais lorsque c’est une femme mariée qui décide de remettre son capital physique et intellectuel en jeu sur le marché pour relancer la spéculation dessus et ainsi faire pression sur son mari? Mais lorsqu’en faisant jouer la concurrence pour gagner en valeur de séduction, ce gain de valeur acquis par spéculation attire à une épouse les faveurs d’un prétendant plus puissant que son pari, par exemple placé plus haut dans l’échelle sociale?
Ce sont autant de questions qui méritent grandement d’être posées, dans une société où les gens considèrent pour la plupart qu’il faut faire l’amour comme on fait la guerre…
Pour moi, la réponse est simple : je tiens la logique libérale pour une émanation du Diable, pour essentiellement pécheresse, aussi je ne suis pas contre le fait d’apprendre à savoir bien la pratiquer lorsque c’est vital, mais je prétends aussi que le vrai luxe consiste à réussir à vivre en marge de cette logique impie. Ainsi, je sais pourquoi je me suis justement « retirée du marché » (l’expression est laide ; je ne l’emploie que parce qu’elle illustre bien mon propos) pour celui que j’aime : j’aime cet homme, entre autre, justement parce qu’il me permet de m’exiler en sa compagnie hors de ce monde fou au sein duquel l’amour même est devenu abject et mécanique. C’est-à-dire entre autre que je l’aime dans la mesure où nous sommes sur la même longueur d’ondes, c’est-à-dire précisément parce qu’il n’a ni besoin que je m’épuise à actionner la vieille machine-à-séduire mensongère chaque jour que Dieu fait pour qu’il se dise qu’il a de la chance de m’avoir, ni besoin que je le menace à tout instant de lui retirer ma promesse de bonheur pour qu’il se rappelle son prix.
Je ne pense pas que V.V, ni Hibiki Yoshikuni, ne pensent comme moi, leur réponse est donc digne d’intérêt.
Faites la Guerre, pas l’Amour.
« pour ta carrière, et pour le PETIT… je suis si fière de toi… la grandeur de ton sacrifice… toutes ces années que nous rattraperons au centuple »….
« Le GOSSE restera avec moi en attendant la décision du Tribunal. Ne t’inquiète pas, il sera très correctement élevé et… »
QUELLE SALOPE!!
Excusez-moi. C’est une réaction épidermique.
On ne se méfie jamais assez des femmes.
De certaines en tous cas!
Mes grands parents et ma mère et son frère cardiaque décédé peu après, ont vécu « dans ce coin là » à cette époque (pendant 18 ans) et se sont pris des cailloux en arrivant au port de Marseille par les COMMUNISTES qui avaient saboté les armes des soldats.
Rosco > Bonne remarque. Il est vrai que des abrutis ont déjà pris cet adage pour un programme.
> Avant la lecture du 1940-1945 : années érotiques : Vichy ou les infortunes de la vertu de Patrick Buisson, je n’aurai pas prêté l’attention méritée à cette anecdote. Rares sont ceux qui gardent à l’esprit l’importance qu’a pu prendre ces affaires pendant les deux guerres mondiales. Passé le choc initial et les conditions d’une victoire rapide, ce qui fait la différence dans une guerre longue c’est la capacité du front à tenir, cela étant directement dépendant de la capacité de l’arrière à soutenir le front. Matériellement, financièrement, mais aussi moralement. Plus une guerre dure plus la trahison féminine a de chance de se révéler. Le pauvre type envoyé au front n’a déjà pas spécialement envie d’y demeurer, alors si en plus il apprend que sa chérie se fait joyeusement culbuter par des planqués de l’arrière, alors que lui risque sa peau pour la protéger, il a plus envie d’aller venger l’affront que de se jeter sur les balles ennemies.
Pendant la seconde guerre mondiale une histoire – rapportée par Jünger dans ses journaux de guerre et citée par Buisson – disait qu’un soldat prisonnier avait reçu un colis empoisonné de sa femme, qui ainsi pouvait tranquillement convolé avec son nouveau chéri. Dans la même veine un bon nombre de lois vichystes ont justement pour objet de gérer ce cocufiage massif. Comme l’accouchement sous X, qui nous vient directement de l’Occupation. L’idée étant d’éviter que ces milliers, millions ?, de femmes n’aient à avorter de leurs amours clandestins, en proposant une formule juridique qui permettait d’accoucher sans avoir à garder de lien avec l’enfant illégitime.
La salope n’est pas l’exception, elle est la règle. A contrario c’est Pénélope l’exception, qui représente dans un récit guerrier, dans un récit viril, ce que les hommes aimeraient que soit l’idéal féminin. La femme fidèle qui attend 20 ans durant le retour de son mari parti guerroyer.
Aujourd’hui, plus encore, peut-on imaginer une guerre longue avec le délitement des mœurs ? Combien de temps nos fronts pourraient tenir avec des hommes pensant plus à toutes les infidélités de leurs copines qu’à la victoire ? Combien de cocus recevant un texto « lol, je te kite » au bout d’un mois ?
VV : « La salope n’est pas l’exception, elle est la règle. A contrario c’est Pénélope l’exception, qui représente dans un récit guerrier, dans un récit viril, ce que les hommes aimeraient que soit l’idéal féminin. La femme fidèle qui attend 20 ans durant le retour de son mari parti guerroyer. »
Remarque pertinente. J’ajouterais simplement qu’il ne faut voir ici nul constat moral mais simplement un constat de fait.D’où l’importance vitale d’une éducation sans faille des jeunes filles, elles doivent se forger un mental d’acier au même titre qu’un soldat.
Effectivement, les guerres à mener seront en grande partie perdues par les moeurs dévoyées :je pense cependant à d’autres sortes de guerres qui ont cours aujourd’hui : aux guerres intellectuelles,des guerres invisibles mais qui sont d’une violence extrême et qui tuent, qui éliminent de façon définitive n’importe quel être humain :tel homme qui ne transigera pas avec ses convictions verra sa carrière brisée : c’est plus fréquent que l’on pense.Il lui faudra le soutien absolu de sa femme et de ses enfants lorsqu’il rentrera couvert de la merde d’infamies qu’on aura jeté sur lui. Et sans boulot.Il sera seul.C’est là où l’arrière garde, l’appui féminin sera décisif.
« tel homme qui ne transigera pas avec ses convictions verra sa carrière brisée : c’est plus fréquent que l’on pense.Il lui faudra le soutien absolu de sa femme et de ses enfants lorsqu’il rentrera couvert de la merde d’infamies qu’on aura jeté sur lui. Et sans boulot.Il sera seul.C’est là où l’arrière garde, l’appui féminin sera décisif. »
Terriblement vrai.
D’où l’intérêt dans bien des cas de renoncer aux boulots qui font joli sur une carte de visite pour les boulots-planque. Et c’est à nous les femmes de continuer à aimer notre homme s’il a fait ce choix (qui est dans bien des cas un choix de relative pauvreté), au lieu de raisonner en « gagneuses » (aux deux sens terme : « gagneuse », curieusement, n’est pas que le féminin de « winner »).
Précision : je ne parlais pas du tout du loser (méprisable)qui choisit un « boulot-planque » au départ en faisant croire qu’avec ce « renoncement » il ne sacrifie pas ainsi à des convictions personnelles et qu’il ne fraie pas avec le mal,(ce qui est une absurdité absolue et une hypocrisie totale) alors que c’est par pure paresse ou crainte de prendre des risques qu’il renonce en fait,mais à l’homme qui a réussi, qui est installé dans la vie, qui a mouillé sa chemise et qui à un moment donné doit faire un choix qui peut s’avérer fatal.C’est un peu différent.
9 femmes sur 10 laisseraient tomber l’impénitent qui aurait brisé sa carrière pour ses convictions. Elles ne comprendront pas, puis ramèneront tout à elle : « quelque part n’est-ce pas elle qu’il visait en sapant leurs projets ? ». Si ça ne suffisait pas, forcément en pleine déprime il serait beaucoup moins divertissant, elle le quitterait alors en lui reprochant « d’avoir changé ».
Oui la proportion neuf femmes sur dix me parait juste.
C’est pourquoi il faut préparer ses filles le plus tôt possible.Surtout en temps de guerre.
C’est l’histoire d’une femme dont le fils ou le mari lui apprend qu’il a le cancer, et qui lui répond:
« mon pauvre chéri, la vie ne m’aura épargné aucun mahleur ».
XP : c’est terrible mais c’est exactement cela!^^
@ La Crevette : Un « boulot-planque » est parfois méprisable, oui. Mais uniquement dans la mesure où l’homme dit « planqué » a toujours eu pour intention de se « réaliser » (comme on dit de nos jours) par le biais d’un travail rémunéré…
Cherchez « Waldgänger », sur le net. C’est un concept forgé par Jünger, écrivain allemand catalogué d’extrême droite, héros de la guerre de 14, à la biographie édifiante, que lui a repris dévotement Julien Gracq. Le Walgänger qu’on appelle aussi « l’Anarque » ou « l’homme du recours aux forêts », est celui qui préfère se retirer, en temps utile, d’une société qu’il réprouve, d’une société aussi par laquelle il ne trouve pas le moyen de faire respecter/rétribuer ses compétences particulières à leur juste valeur, afin justement de continuer à faire ce pourquoi il est doué (par exemple de la poésie ou de la philosophie à une époque particulièrement matérialiste, par trop rétive à ces deux art-là), afin de ne pas être forcé de se livrer à des activités en lesquelles il sait qu’il n’excellera jamais, avec pour seul espoir déprimant de répondre à une théorique demande de consommateurs… [Or on sait paradoxalement que c’est bien souvent la demande qui suit la création d’offre, et non l’inverse. C’est ainsi que les hommes réputés durant leur jeunesse (parfois durant leur vie entière, dans le cas des succès posthumes) pour n’avoir jamais été « des hommes de leur temps », se retrouvent bien souvent à la tête des avant-gardes du lendemain]
Le Walgänger, pour se faire, recours évidemment à n’importe quel moyen compatible avec son sens de l’honneur : toute « planque » est bonne à prendre… Qui osera prétendre que l’honneur d’un poète, d’un Pic de la Mirandole, ou d’un visionnaire, réside dans son aptitude à travailler (de tripal, torture latine), c’est-à-dire à se livrer à des activités serviles pour gagner de l’argent, alors que sa joie consiste à vivre au milieu les livres avec pour seules amitiés durables les immortels de ce monde, en véritable Seigneur?
Imaginez quelqu’un comme Diogène le cynique. Cette personne a effectivement « fait quelque chose de sa vie », mais certainement pas en tant que membre de la société « bourgeoise » (si l’on peut dire en parlant de la société grecque – anachronisme volontaire) à part entière… Jamais sans doute il n’aurait marqué « penseur » ou « intellectuel » sur sa carte de visite, s’il en avait eu une, mais plutôt « bon à rien, mauvais à tout », pour plaisanter. Et le mystérieux Lautréamont, qui faillit ne jamais passer à la postérité et mourut dans le dénuement le plus total, qui vous dit qu’il n’a jamais tenté de gagner un croûton de pain en cirant des chaussures, ou en volant des saucisses (comme le vagabond joué par Charlie Chaplin)? Quant à Léon Bloy, qui tint, afin de préserver son honnêteté intellectuelle, à vivre une vie de véritable martyr, n’a-t-il pas sacrifié (littéralement) plusieurs de ses compagnes à la misère? Ces gens (et l’ensemble des érudits volontairement méconnus, « anars de droite » et tutti quanti) qui vivent et meurent cachés, depuis des dizaines de siècles sur la terre du royaume de France, pour les plus « pur » d’entre eux, par fierté dans l’indifférence générale, ces « personnages » dont la démarche est si proche de celle du moine que Jünger les vêtissait d’une bure, je ne crois pas qu’ils aient, du moins au sens péjoratif où vous l’entendez, « frayé avec le mal », ou bien seulement peut-être en purs apothicaires, afin de lui trouver un vaccin. ^^