Le sénateur Masson est-il un con ?

On me pardonnera de singer une fois de plus Pierre Desproges quand il demandait, devant l’intéressé dont le rire jaune s’entend encore sur les enregistrements que j’ai la flemme de rechercher, si Jacques Séguéla était un con.

C’est que je ne voudrais pas paraître trop affirmatif en l’affirmant du sénateur Masson, divers droite de son état — divers droite ça veut dire qu’il est même trop lâche pour se prétendre UMP. Car les sénateurs ont des copains policiers, voire préfets, et cela biaise quelque peu notre supposée égalité républicaine, de telle manière qu’il est plus répréhensible de dire que le sénateur Mason est un con — ce qu’à Dieu ne plaise — que de dire de madame Michu qu’elle est un conne.

Qu’a donc fait le sénateur Masson pour justifier qu’on se demande, sans en décider péremptoirement, s’il est un con ? Il a depuis sa terre d’élection mosellane déposé une proposition de loi « tendant à faciliter l’identification des éditeurs de sites de communication en ligne et en particulier des « blogueurs » professionnels et non professionnels ». Par « faciliter l’identification », comprendre : mettre fin à l’anonymat des blogueurs, professionnels ou pas et pouvoir les trainer devant les tribunaux pour diffamation.

Rappelons aussi que contrairement à une légende tenace la diffamation, en droit (sic) français, peut très bien viser quelqu’un qui ne fait que dire la vérité : il suffit que cette vérité porte atteinte aux intérêts, électoraux, économiques, moraux, de quelqu’un d’un peu procédurier ou qui a un copain avocat pour porter efficacement sa plainte devant le doyen des juges d’instruction de l’endroit, procédure compliquée qui n’est qu’en théorie accessible au commun des mortels justiciables.

Il faut donc être influent, bien introduit, avoir des appuis, ou avoir de quoi payer un avocat pour de telles bêtises. Par exemple être sénateur. Sénateur Masson. Lequel a déclaré pour expliquer sa démarche qu’il n’était pas normal de pouvoir dire « X est un con » sans en supporter les conséquences judiciaires. (Remarquons au passage que pour Jacques Séguéla la question est tranchée depuis longtemps dans le sens de l’affirmative, mais que la notoriété publique n’empêche toutefois pas d’être condamné pour diffamation, en vertu de ce que nous avons expliqué plus haut.)

On nous enjoint donc de prendre parti, de signer des pétitions contre le sénateur Masson, dont la caractère et les qualités ne sont pas bien établies quant à sa bêtise formulée de manière désobligeante : rappelons que nous n’affirmons pas que M. le sénateur Masson est con, nous l’envisageons comme hypothèse, comme cas d’école, presque abstraitement et pour la beauté de la chose. Disons par scrupule. Moral.

Pourtant nous ne signerons pas de telles pétitions.

D’abord car les propositions de loi ne sont pas des projets de loi, et le Masson est si insignifiant que son truc a autant de chances d’aboutir que la candidature de Bidou d’être validée en 2012 par le Conseil constitutionnel réuni en session plénière.

Ensuite et surtout car nous dénions purement et simplement le droit à la République française de se mêler de l’internet. Que ces gens qui nous pompent déjà du fric à longueur de temps, nous empêchent de dire ce que nous pensons tout haut dans la rue et qui cherchent à contrôler nos comportements de mille manières nous foutent un peu la paix sur le web, qu’ils soient parlementaires, flics, magistrats ou n’importe quoi de cette sale espèce de guignols officiels à casquettes, mortiers ou baromètres.

D’ailleurs le Cyberespace est indépendant depuis la déclaration de Barlow.

Alors ta gueule, Masson. Va jouer à signer des réformes des retraites qui vont foirer ou des lois sur l’interdiction des chewing-gums à la menthe dans ta sous-préfecture. Va faire ce que tu veux dans ta putain de République en voie de sous-développement où on ne peut plus bouger une oreille sans en avoir reçu l’autorisation du préfet en triple exemplaire, et fous nous la paix ici. CAR NOUS Y SOMMES CHEZ NOUS.

Merci, Masson.

Et si tu veux rester dans l’histoire parlementaire, propose plutôt une révision constitutionnelle par laquelle l’État français s’interdirait à l’avenir toute législation spécifique regardant l’internet.

(Add. : dans le même genre, on signalera que la SNCF a annoncé qu’il faudra à l’avenir donner son identité pour acheter un billet, ce qui était déjà le cas, et que cette identité sera vérifiée dans le train. Il faudra donc donner une vraie identité afin que n’importe quel service officiel sache qui va où. C’est pour votre bien.)

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À propos Nicolas

« Fabrice les entendait qui disaient que le diable était sur la toit, et qu'il faillait essayer de le tuer d'un coup de fusil. Quelques voix prétendaient que ce souhait était d'une grande impiété, d'autres disaient que si l'on tirait un coup de fusil sans tuer quelque chose, le gouverneur les mettrait tous en prison pour avoir alarmé la garnison inutilement. Toute cette belle discussion faisait que Fabrice se hâtait le plus possible en marchant sur le toit et qu'il faisait beaucoup plus de bruit. Le fait est qu'au moment où, pendu à sa corde, il passa devant les fenêtres, par bonheur à quatre ou cinq pieds de distance à cause de l'avance du toit, elles étaient hérissées de baïonnettes. Quelques-uns ont prétendu que Fabrice, toujours fou,  eut l'idée de jouer le rôle du diable, et qu'il jeta à ces soldats une poignée de sequins. Ce qui est sûr, c'est qu'il avait semé des sequins sur le plancher de sa chambre, et qu'il en sema aussi sur la plate-forme dans son trajet de la tour Farnèse au parapet, afin de se donner la chance de distraire les soldats qui auraient pu se mettre à le poursuivre. »

7 réflexions sur « Le sénateur Masson est-il un con ? »

  1. XP

    Fort probable que l’initiative n’émane pas de ce Monsieur Masson, lequel ne doit être ici qu’un porte-poncif, le larbin de tout un tas de gens on ne peut plus méprisable:ceux de la presse écrite, bien entendu, mais aussi de toutes les petites frappes qui infestent la toile et ne supportent pas de ne pas pouvoir imposer leur connerie et leur nullité à coup d’intimidations et de menaces.

    Je suppose que toutes les organisations malfaisantes(organisations anti-racistes, partis politiques, associations subventionnés….) doivent investir la toile, et ils ne doivent pas supporter de se cogner à un plafond de verre et de ne pas pouvoir sommer leurs interlocuteurs de se taire.
    La plupart des sites hônnêtes et respectables de la toile n’existeraient plus si leurs auteurs ne pouvaient se protéger, eux leurs familles et leurs proches de ces crapules qui réclament à tout bout de champs la levée de l’anonymat de leurs contradicteurs.

  2. XP

    @Skandal

    Sur ce genre de coup, nous avons un moyen de retorsion important:appeler un chat un chat et un délateur un délateur. Et marteler que ce sont des délateurs, ces gens-là. Et faire de la publicité à chacun de leurs appels à la délation (pourquoi pas une rubrique -le délateur du jour).

    Il n’est evidemment pas du tout innocent de réclamer la levée de l’anonymat d’un blogueur à l’époque ou en france même, un intellectuel-Redeker- vit dans la clandestinité depuis un article du Figaro n »ayant pas plu à des musulmans, ou des hommes politiques européens ont été égorgés sans que ça ne suscite la moindre manifestation, la moindre réprobation publique de ses collègues.
    Sur la toile, il y a des spécialistes de l’appel à la levée de l’anonymat, qui en font un argument recurrent (Patrice de Plunkett par exemple).

    Il faut que ces gens là vivent dans la trouille de se retrouver à la une des blogs et des sites libres avec la pancarte « délateur », « complice des tueurs musulmans » autour du cou.

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