Le Texas montre la voie

Le Texas Board of Education, qui décide des programmes scolaires dans cet État américain, a voté de nouveaux standards qui se rapprochent grandement des conceptions conservatrices dans le domaine des sciences sociales, rompant avec une tradition de gauchisme — appelé libéralisme aux États-Unis — qui, pour être moins prégnante que dans notre désastreuse Éducation (sic) nationale (re-sic) n’en est pas moins pernicieuse.

Parmi les nombreux changements qui concernent les programmes éducatifs du primaire et du secondaire, les élèves du Texas vont notamment être encouragés à remettre en question la « séparation de l’Église et de l’État », formule à laquelle les démocrates tiennent et qu’ils ont multipliée ces derniers temps dans l’espoir de l’imposer aux esprits pour peut-être la faire adopter légalement dans quelques années, alors qu’elle est clairement contraire à la Constitution américaine et à tout ce que l’on sait des Pères fondateurs.

Les nouveaux programmes évoqueront d’ailleurs de manière beaucoup plus approfondie la tradition chrétienne des Pères fondateurs, et mettront l’accent sur les succès des dirigeants conservateurs et du libre marché. Les élèves apprendront également que l’intervention de l’État peut facilement devenir un frein à l’innovation et à la prospérité, que les idéaux américains sont bénéfiques pour la planète et que des organisations internationales telles que les Nations unies peuvent constituer une menace pour la liberté individuelle. Que des bonnes choses, vous dit-on.

Le gouvernement américain sera désormais qualifié de « république constitutionnelle » plutôt que « démocratique », ce qui semble particulièrement choquer nos bonnes âmes européennes, lesquelles oublient un peu vite les multiples textes de Jefferson qui établissent que le modèle qu’il avait en tête pour son pays était Sparte bien plus qu’Athènes, comme le prouvent ses nombreuses citations de la Guerre du Péloponnèse
où Thucydide décrit la désastreuse transformation d’Athènes en démocratie d’opinion ploutocratique. Et la liste est encore longue. Le Dallas Morning News ne tourne pas autour du pot et estime de manière très directe que plusieurs des changements prévus aux programmes « ont clairement une teneur politique et philosophique à bien des égards » : cela ne nous change-t-il pas de tous ces abrutis de droite qui, en France, n’osent pas porter le fer dans l’Éducation nationale en y brisant une bonne fois le pouvoir des syndicats et des pédagogues et en démantelant une structure nationale qui n’a plus de sens et qu’il serait urgent de régionaliser pour en accroître l’efficacité ? Ce qui serait également une manière d’en limiter le pouvoir de nuisance et de lui rendre sa seule mission légitime : transmettre des connaissances, et non former des zombies-citoyens endoctrinés.

Ces changements sont vus par la gauche américaine avec d’autant plus d’angoisse que les 4,7 millions d’élèves du système éducatif public du Texas ne sont pas les seuls concernés : le Texas est un État qui pèse lourd, et les éditeurs de manuels scolaires harmonisent souvent leurs manuels pour se conformer aux directives du board texan, quitte à faire quelques sections détachables dans leurs manuels pour les États qui le demandent expressément.

Le conseil d’éducation du Texas, qui est dominé par des conservateurs catholiques, a voté à neuf contre cinq en faveur des nouveaux programmes qui s’appliquent à l’école primaire et secondaire. Pendant les débats, certaines des idées les plus controversées ont été abandonnées, comme celle d’appeler désormais la traite des esclaves « commerce triangulaire atlantique » ; espérons que cela sera bientôt le cas, pour rééquilibrer un débat où les chouineries incessantes des descendants d’esclaves commencent à devenir insupportables ; près d’un siècle et demi après la fin de l’esclavage, il serait temps que les noirs d’Amérique et d’ailleurs cessent de se défausser sur cet épisode de leurs impuissances et de leurs tares communautaires.

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À propos Nicolas

« Fabrice les entendait qui disaient que le diable était sur la toit, et qu'il faillait essayer de le tuer d'un coup de fusil. Quelques voix prétendaient que ce souhait était d'une grande impiété, d'autres disaient que si l'on tirait un coup de fusil sans tuer quelque chose, le gouverneur les mettrait tous en prison pour avoir alarmé la garnison inutilement. Toute cette belle discussion faisait que Fabrice se hâtait le plus possible en marchant sur le toit et qu'il faisait beaucoup plus de bruit. Le fait est qu'au moment où, pendu à sa corde, il passa devant les fenêtres, par bonheur à quatre ou cinq pieds de distance à cause de l'avance du toit, elles étaient hérissées de baïonnettes. Quelques-uns ont prétendu que Fabrice, toujours fou,  eut l'idée de jouer le rôle du diable, et qu'il jeta à ces soldats une poignée de sequins. Ce qui est sûr, c'est qu'il avait semé des sequins sur le plancher de sa chambre, et qu'il en sema aussi sur la plate-forme dans son trajet de la tour Farnèse au parapet, afin de se donner la chance de distraire les soldats qui auraient pu se mettre à le poursuivre. »

11 réflexions sur « Le Texas montre la voie »

  1. Mr_Zlu

    > près d’un siècle et demi après la fin de l’esclavage, il serait temps que les noirs d’Amérique et d’ailleurs cessent de se défausser sur cet épisode de leurs impuissances et de leurs tares communautaires.

    J’aurais dit « génétique » mais ce serait très « malpoli »…

  2. la crevette

    Très bon article en particulier cette réflexion : « cela ne nous change-t-il pas de tous ces abrutis de droite qui, en France, n’osent pas porter le fer dans l’Éducation nationale en y brisant une bonne fois le pouvoir des syndicats et des pédagogues et en démantelant une structure nationale qui n’a plus de sens et qu’il serait urgent de régionaliser pour en accroître l’efficacité ? Ce qui serait également une manière d’en limiter le pouvoir de nuisance et de lui rendre sa seule mission légitime : transmettre des connaissances, et non former des zombies-citoyens endoctrinés. »

    C’est rapé pour mes enfants qui sont zombifiés chaque jour mais espérer pour la suite. Si les Texans le font, pourquoi pas nous?

    (Une coquille : « prégnante » 4ème ligne)

    1. Nicolas Auteur de l’article

      La réponse est très simple : les syndicats et les hommes politiques pratiquent le même métier : la co-gestion les a rendus co-voleurs ; ce sont eux qui encaissent les cotisations sociales, qui font la dette de l’Etat et des para-Etats. Or quand vous êtes un voleur et que vous avez besoin de (pseudo-)rationaliser votre vol (« c’est pour le bien de tous, c’est le bien commun, sinon les gens ne seraient pas assurés… ») il vous faut à la fois dénier la rationalité des volés et néanmoins conserver un certain prestige à la raison pour vous prétendre seul rationnel. D’où le contrôle de fer dans lequel ils sont complices sur l’enseignement, de la maternelle à l’université : le but est à la fois de légitimer leur existence et de vous empêcher de questionner en raison cette fausse légitimité. Complices des mêmes mécanismes, ils ne rentreront en concurrence que quand le butin du vol sera trop faible pour les faire tous vivre. Ce qui se rapproche à vue humaine.

  3. Alex

    Ceci est anecdotique, les EU sont déjà virtuellement mortes et ce n’est pas ce genre de vaine tentative qui changera quelque chose.

    Et c’est d’autant plus ridicule que bon nombre de vos braves texans (et autres de cette mouvance là) sont atteints du syndrome du mongaullo-souverainisme cher à XP : ils n’ont d’yeux que pour leur bling local, préfèrent un bon métèque apprivoisé qu’un européen & j’en passe.

    Bref ce n’est surement pas avec ça qu’il y a quelque chose à espérer pour les États-Unis.

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